Henri Guérin : sculpter la lumière

Henri Guérin : sculpter la lumière
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Quoi de commun entre Le Corbusier, architecte mondialement célèbre, et le maître verrier Henri Guérin ? L’un et l’autre n’ont pu voir l’achèvement de leur dernier grand projet. Dans la ville nouvelle de Firminy, près de Saint-Étienne, l’église Saint-Pierre, l’un des plus grands chefs-d’oeuvre de « Corbu », n’a été inaugurée qu’en 2006, alors que son concepteur était mort depuis 1965 ! Et à la crypte de la cathédrale de Chartres, la verrière mariale de Guérin a été posée quelques mois après sa mort, en 2009. Ce n’est pas un simple hasard qui provoque aujourd’hui la rencontre des deux artistes. Leur rapport à la lumière les unit au-delà des apparences. Par un merveilleux rapprochement, l’un des grands créateurs de verrières du XXe siècle est évoqué dans les locaux d’une église unique par la constellation lumineuse qui en structure l’espace. 

Église de Firminy – photo Neil Bicknell.

Henri Guérin (1929-2009) a travaillé plus d’un demi-siècle en pays toulousain. Marqué par l’exemple d’un moine-verrier d’En Calcat, il s’est essentiellement consacré à la dalle de verre, qu’il taillait à même la matière, provoquant par des jeux d’épaiseur de saisissantes différences d’intensité lumineuse, les éléments du vitrail étant ensuite jointoyés au mortier de ciment. Que ce soit dans des églises, des bâtiments publics ou des demeures, Guérin aura réalisé plus de 600 vitraux ! L’exposition de Firminy permet d’en voir plusieurs en lumière naturelle, illustrant les évolutions formelles et stylistiques d’un artiste pour qui la solitude de la recherche ne signifiait nullement l’immobilisme.

Mains d’Henri Guérin – photo Didier Taillefer.

La passion de la création ne se satisfaisait d’ailleurs pas, chez Henri Guérin, des seuls arts du verre. Exercer «la patience de la main » (titre d’un essai de l’artiste, repris pour l’exposition de Firminy) passait aussi par le dessin, à l’encre ou au lavis. On voit ainsi à l’église Saint-Pierre les originaux et les agrandissements d’un cycle du Chemin de croix, tandis qu’un exposition-soeur, à la Chartreuse de Sainte-Croix-en-Jarez, montre deux séries, l’une consacrée aux arbres et l’autre à la baie du Mont-Saint-Michel. Enfin, Guérin s’exprima encore par la tapisserie : assomption de la couleur, qui retrouve le goût de la belle matière épaisse dans laquelle sont taillés les vitraux, prête à recevoir la transfiguration de la lumière.

Tapisserie « Variations pourpres », Fonds Henri Guérin.

 

Lumière(s) : Henri Guérin, église Saint-Pierre de Firminy, jusqu’au 3 mars 2019.