« La liberté ne nous est pas donnée, il nous faut la prendre ».
Meret Oppenheim.
Danièle Marcovici est une femme libre et engagée.
Engagée, tout d’abord, pour son entreprise. RAJA, leader européen de la distribution d’emballages pour entreprises, compte 5000 collaborateurs et dessert plus de deux millions de clients professionnels en Europe. Engagée, indépendante et libre : pour le rester, elle a refusé l’entrée en bourse et la participation de fonds d’investissement à l’entreprise, dont l’entièreté du capital reste en mains familiales. Danièle Marcovici est très attentive à valoriser ses collaboratrices femmes et veille à une réelle égalité de droits et de salaires au sein de RAJA. « Chez RAJA, mon entreprise – une entreprise un peu féministe, sourit-elle –, des femmes siègent à mon comité exécutif. Elles se construisent de belles carrières. Ces femmes ne recherchent pas la puissance, le pouvoir, la fortune… Elles recherchent l’harmonie, le partage, l’éducation, la solidarité. Et de toute façon, nous sommes des femmes puissantes puisque nous créons la vie. »
Engagée, ensuite, pour sa famille. Elle a suivi l’exemple de sa mère, Rachel Marcovici, qui fonda l’entreprise en 1954 (à une époque pourtant où les femmes seules ne pouvaient pas ouvrir un compte en banque !) et se mit au travail, au sein de la petite entreprise familiale d’alors, dès l’âge de seize ans. Les mères autonomes transmettent leur autonomie à leurs filles, et grandissent des fils respectueux des prérogatives féminines. Les mères passionnées transmettent leurs passions à leurs enfants et c’est ainsi que Jules Fourtine, le fils de Danièle Marcovici, co-dirige aujourd’hui, avec Pauline Ruiz, l’espace Monte Christo à Paris, en lien avec la Fondation Villa Datris.
Engagée, passionnément, pour les femmes. Difficile d’énumérer l’ensemble de ses actions en faveur des femmes, en France et dans le monde. En 2000, lorsqu’elle contacte la Fondation de France pour créer une Fondation pour les femmes, on lui demande : « Mais pourquoi pour les femmes ? De quoi avez-vous donc souffert ? » « Comme s’il fallait avoir souffert en tant que femme pour s’intéresser au sort des femmes dans le monde ! » s’exclame-t-elle. Quoi qu’il en soit, en 2006, elle crée la Fondation RAJA – la première fondation en France dédiée aux droits des femmes – qui accompagne désormais plus de 150 projets de par le monde, dont les Guerrières de la paix. Et la Maison qu’elle crée en l’honneur et en mémoire de l’un de ses fils, disparu en 2022, Benjamin Kapelusz, la Maison Benjamin, est consacrée aux associations qui agissent pour les femmes et a vocation à leur offrir un espace de rencontres et d’échange.
Engagée, encore, pour l’art et la culture. Danièle Marcovici tient à sa liberté d’action tout autant, voire plus encore qu’à sa liberté de parole. Et depuis des années, cette liberté d’action qu’elle cultive, elle la met au service des artistes et des publics. Avec, comme mots culte, la séquence « espérer entreprendre réussir persévérer ». En 1977, elle manifestait déjà en pleine rue pour la liberté d’expression, la jeunesse et la culture !
En 2011, elle ouvre une première exposition à la Villa Datris. Elle raconte qu’ils et elles étaient alors une bande de joyeux copains, artistes, architectes… Mais dès la première exposition, tout le monde en a redemandé, et en 2013 Danièle Marcovici propose l’exposition « Sculptrices », pour mettre les femmes à l’honneur et dénoncer l’invisibilité de femmes artistes engagées pourtant dans leur liberté de créer et d’exercer leur art. Soixante-dix artistes, parmi lesquelles Eva Jospin qui n’était guère connue à l’époque, et qui lui dit : « Ton idée est géniale, on voit toujours deux femmes dans une exposition à côté de dix hommes… ». Il y avait aussi Gada Amer, Angela Bulloch, Meret Oppenhein, Niki De Saint Phalle, Joana Vasconcelos, Mâkhi Xenakis… En 2013, c’était une exposition pionnière. On retrouvera dans « Engagées » plusieurs de ces artistes.
Suivant son précepte « l’action plus que la parole », en 2024, dans la foulée des élections législatives dont les résultats l’inquiètent, Danièle Marcovici décide qu’il est impérieux de s’engager encore, à nouveau, plus avant. S’impose alors le thème de l’exposition de 2025 : ce sera « Engagées ». « Nous avons choisi des femmes, des artistes, toutes talentueuses ; leurs œuvres ont du sens, ce sens qui nous touche et nous émeut. Ce ne sont pas moins de 64 femmes artistes, sculptrices, issues de 28 nationalités, qui feront découvrir à nos visiteurs (plus de 65 000 personnes à ce jour) plus de 80 sculptures installées dans la Villa, les jardins, dans ou sous les arbres. Nous les avons choisies parce que nous les admirons, et nous souhaitons que le public rencontre leurs œuvres. Nos expositions sont faites pour le grand public, grâce à un art contemporain émotionnel. « Engagées » est placée sous le signe du violet, la couleur des féministes américaines, qui ont plus que jamais besoin d’être aidées en ce moment, même si cette exposition est dédiée à toutes les femmes. »
L’exposition contient des pépites absolues. Au titre de l’engagement, engagement pour l’utopie la plus folle devenue réalité, nous retiendrons le travail discret d’Anila Rubiku. L’artiste, d’origine albanaise, organise autour d’un groupe de femmes détenues pour meurtre (le meurtre de leur mari le plus souvent parce qu’il violait leur fille…) des réunions, à la prison de Tirana, avec des experts en droit, des juristes, des psychologues, et offre la possibilité à ces femmes, enfin, de se raconter, en mots et en images – pour arriver ainsi, au bout du compte, à ce que ces femmes soient libérées. Un résultat extraordinaire dont l’artiste, discrète, témoigne par des œuvres d’une grande simplicité, grilles colorées, modestes quant à leur taille, mais porteuses d’une ouverture symboliquement immense. Ou quand la vraie justice va à l’encontre de ce que traditionnellement l’on appelle justice.
Engagée enfin, pour les artistes de tout bord, de tous genres, de toutes nationalités, même si elle a une préférence pour les sculptures – la sculpture n’est ni genrée ni racisée. Et Danièle Marcovici est aussi respectueuse pour les artistes inconnus que pour les « grands artistes » représenté.e.s par de « grandes galeries », aussi curieuse d’une visite d’atelier chez un jeune artiste ignoré dans une obscure banlieue que de rencontres avec des artistes très connus, dont elle a parfois montré le travail il y a longtemps déjà (telle une Eva Jospin).
Vous n’avez pas encore vu « Engagées » ? L’exposition est encore ouverte pour un week-end de finissage, jusqu’au dimanche 2 novembre.

Et revenez l’année prochaine. Car l’engagement se poursuit.
Danièle Marcovici s’engage depuis toujours, et forever.
