Expensive : Sylvie Fanchon à l’honneur à la Galerie Maubert

Expensive : Sylvie Fanchon à l’honneur à la Galerie Maubert
©Expensive - Galerie Maubert
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Pour sa première exposition posthume, Sylvie Fanchon revient au cœur de l’actualité artistique. Expensive rappelle avec ironie la radicalité de son œuvre. Et elle invite à reconsidérer son héritage dans le paysage de la peinture contemporaine.

La rentrée parisienne 2025 s’ouvre sur un hommage d’envergure à Sylvie Fanchon, figure essentielle de la peinture française contemporaine. La Galerie Maubert présente Expensive, la première exposition posthume de l’artiste disparue en 2023. Le titre, emprunté à une œuvre inédite, condense l’esprit de son travail : un humour mordant, mais aussi une critique de la valeur artistique. Et la défiance assumée de l’artiste face à toute sacralisation du tableau. Ce choix n’a rien d’anecdotique. Il manifeste la fidélité de Fanchon à une démarche qui, depuis les années 1990, s’est construite sur une économie formelle radicale, ainsi qu’une ironie qui est devenue sa marque de fabrique.

Dès l’entrée, la toile Expensive impose son paradoxe. Le mot, tracé au pochoir, bave sous les coulures d’acrylique orange, comme si l’artiste prenait plaisir à brouiller la forme avec la matière. Loin d’être un geste désinvolte, il s’agit d’un refus assumé de la perfection lisse. Fanchon tourne en dérision le tableau comme objet de culte. Et ainsi, elle met en évidence l’absurdité des critères qui régissent l’art en lui accordant une valeur trop arbitraire. L’ironie, souvent teintée d’autodérision, reste l’une des clés de lecture de son œuvre. Au lieu d’exalter le génie de l’artiste, elle souligne son caractère toujours provisoire, forcément précaire.

Le parcours conçu par Kathy Alliou traverse plus de trois décennies de création. On y retrouve les Architectures des années 1990 mais aussi les séries récentes comme The Purpose of Art. Ce choix vise à éviter la simple rétrospective. Il révèle au contraire les éléments qui ont irrigué la réflexion de Fanchon tout au long de son parcours d’artiste. Autant de clés d’entrée qui permettent de mieux appréhender la logique de soustraction dans son œuvre. Plutôt que de rivaliser avec le réel, la peinture assume son statut de surface. Et elle cherche à déjouer les formes de la représentation. Les personnages empruntés aux cartoons (de Snoopy à Bip Bip et Coyote) en sont d’ailleurs l’un des exemples les plus ludiques.

La richesse de l’exposition tient aussi au fait qu’elle démontre bien le virage pris dans les œuvres tardives. Sylvie Fanchon y assume le désordre : des frottages au chiffon, bavures de scotch et des traces visibles. Les gestes ne sont plus invisibles, et ils deviennent au contraire partie prenante du tableau. Comme un rappel que l’accident fait aussi partie de la création.

Enfin, la force de l’exposition tient aussi au dialogue posthume orchestré avec deux autres artistes. Marcel Broodthaers, compagnon d’art, y occupe une place centrale. Sa définition provocatrice de l’art comme activité « apolitique, inutile et peu morale » résonne avec la posture de Fanchon, elle qui a toujours voulu échapper aux injonctions idéologiques et marchandes. Quant à Cathy Berberian, sa performance vocale Stripsody (enregistrée en 1966) résonne comme une bande-son jubilatoire. Ses onomatopées de cartoons prolongent le goût de Fanchon pour les figures de la pop culture. Une exposition posthume, oui. Mais Expensive refuse ouvertement de verser dans un hommage empesé qui aurait été à contre-courant de l’œuvre de Sylvie Fanchon.

Exposition Expensive à voir à la Galerie Maubert jusqu’au 31 octobre 2025.