Trois ans après sa mort, Pierre Soulages continue de révéler les secrets de son œuvre. On le connaît pour l’outrenoir, mais aussi pour la grande fécondité de son œuvre. Soulages a réalisé plus de 1 700 peintures sur toile, environ 120 estampes, et bien sûr les 104 vitraux de l’abbatiale de Sainte-Foy de Conques. Pourtant, c’est un pan moins bien connu de son travail que le Musée du Luxembourg a choisi de mettre à l’honneur avec l’exposition Soulages, une autre lumière. Les peintures sur papier explorent une autre veine du travail de l’artiste. Et l’exposition promet de jeter un regard inédit sur un peintre qui n’a pas fini de fasciner son public.
Le papier comme laboratoire
Dès 1946, Pierre Soulages se tourne vers le papier, moins par choix que par nécessité matérielle. Dans son modeste atelier de Courbevoie, la toile coûte cher. Et elle exige des préparations longues ainsi qu’un espace dont il ne dispose pas. Le papier, lui, se prête à l’expérimentation immédiate. Soulages le dispose à même le sol et peint debout. Il trace des formes larges et sombres avec le brou de noix. Ce matériau, familier des ébénistes et des ateliers de son enfance, lui offre une matière brute, économique mais riche de nuances.
Entre 1947 et 1949, il en réalise donc près d’une cinquantaine. Ces œuvres, longtemps restées dans l’ombre, posent déjà les bases de sa démarche. Une peinture qui se nourrit de la pauvreté des moyens pour affirmer la radicalité d’un langage plastique inédit.
Une traversée chronologique
L’exposition Soulages, une autre lumière va rassembler 130 œuvres prêtées par le musée Soulages de Rodez, notamment 25 inédites. Elle s’organise en huit sections chronologiques, et elle suit plus d’un demi-siècle de création. Des premiers brous de noix d’après-guerre aux nappes sombres et transparentes des années 2000, tout un pan de l’œuvre se révèle.
Le but est notamment de mieux appréhender la constance avec laquelle le peintre revient au papier, entre encre et gouache, parfois après de longues parenthèses. Et à chaque retour, il déploie sur ce support une liberté renouvelée, qui dialogue avec ses recherches sur toile. Le papier n’est donc pas un espace secondaire. Au contraire, il est un terrain de réflexion décisif. Un lieu d’où émergent des formes qui irrigueront ensuite l’ensemble de son œuvre.
Dans l’intimité d’un géant de la peinture contemporaine
La force de cette exposition tient à un paradoxe que Soulages a su cultiver toute sa vie. Le format réduit des peintures sur papier, souvent de dimensions modestes, n’amoindrit en rien leur puissance. Au contraire, les contrastes entre opacité et transparence s’y révèlent avec une intensité particulière.
Ces œuvres portent la trace d’un geste plus direct, plus immédiat, presque intime, qui s’éloigne des grandes toiles monumentales. Et pourtant, c’est bien la même énergie qui s’y condense. Un souffle qui transforme le papier en surface vibrante. Et qui démontre, s’il en était encore besoin, la richesse de l’héritage artistique de Pierre Soulages.
Exposition Soulages, une autre lumière à voir au Musée du Luxembourg du 17 septembre 2025 au 11 janvier 2026.
