Le flou dans l’art comme solution conceptuelle

Le flou dans l’art comme solution conceptuelle
Gerhard Richter (né en 1932) September,2005 Huile sur toile, 52,1 × 71,8 cm New York, The Museum of Modern Art, Gift of the artist and Joe Hage, 2008 © Gerhard Richter 2025
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Et si le flou ouvrait de nouveaux horizons dans la création plastique contemporaine ? Trop souvent perçu comme un défaut visuel majeur, celui-ci peut cependant permettre de réinterpréter la vision de ce qu’elle représente. Avec l’exposition « Dans le Flou, une autre vision de l’art de 1945 à nos jours », le musée de l’Orangerie montre à quel point le flou se fait à la fois symptôme et remède d’un monde en quête de sens.

De la période tardive de Hans Hartung à la fureur de Francis Bacon, la clarté du flou mêle facilement contrainte et volonté dans une rigueur plastique. Ce que la netteté dissèque, le flou le révèle et l’exposition insiste sur la façon dont les artistes, ébranlés au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, s’emparèrent de cette opacité du visuel pour lui donner une dimension politique.

L’exposition présente de nombreux artistes qui donnent des significations différentes à la notion de flou. L’un d’entre eux est Mark Rothko et son œuvre Untitled (Red, Orange). Adepte de la philosophie de l’existentialisme, Rothko n’a pas donné de titre au nombre de ses dernières peintures, préférant laisser le spectateur interpréter ce qu’il voyait et fonder ses émotions sur sa perception personnelle. Le concept principal de son œuvre est de susciter des émotions chez le spectateur, en créant un espace de réflexion. La luminosité des œuvres de Rothko suggère que la couleur n’est pas seulement un outil dans ses peintures, mais un guide vers le monde de la philosophie et de la spiritualité.

L’exposition présente également l’artiste Gerhard Richter qui utilise le flou dans son travail comme moyen de traiter les traumatismes. Né en Allemagne en 1932, il a vécu l’ère nazie et la division du pays après la guerre. L’exposition présente son œuvre « September », l’une des plus impressionnantes réalisées pour commémorer les événements du 11 septembre. Le flou de l’œuvre de Richter souligne la façon dont la mémoire humaine déplace les événements traumatiques, laissant une ambiguïté émotionnelle et un espace de réflexion.

Dans ce clivage perpétuel entre abstraction et figuration s’installe l’ambiguïté, terreau fertile du message politique et symbolique lorsque celui-ci interroge sur la mémoire et le rôle de l’image, mais également imaginaire lorsqu’il interroge le rôle des apparences.

Le parcours de l’exposition nous laisse entretenir plusieurs thématiques; entre « érosion des certitudes » et « aux frontières du visible » celle-ci se conclut sur la salle épilogue « réenchanter le monde », réflexion contemporaine invitant le visiteur à considérer le flou non plus comme perte de repères mais comme promesse d’un monde à redécouvrir. S’y trouve notamment un tableau de Vincent Dulom dont nous avons présenté récemment le travail .

L’exposition est à découvrir jusqu’au 18 août 2025.

Vincent Dulom (né en 1965) Hommage à Monet, 2024 Jet d’encre sur toile (unique), 150 × 150 cm Collection de l’artiste 2402160224070301C150 Avec l’aimable autorisation de l’artiste et de la Galerie ETC (Paris) Photo © musée d’Orsay / Allison Bellido Espichan