Julien Creuzet au Pavillon français : poésie et politique à la Biennale de Venise 2024

Julien Creuzet au Pavillon français : poésie et politique à la Biennale de Venise 2024
Allied Chemicals & Dye, 2019. Courtesy Julien Creuzet et High Art
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Depuis la Maison Édouard Glissant, l’artiste Julien Creuzet présente son projet pour la Biennale de Venise 2024.

Biennale de Venise 2024 : Julien Creuzet au Pavillon français sous le signe de l’altérité

.a 60e édition de la Biennale d’art contemporain de Venise débutera le 20 avril prochain. Pour l’occasion, Adriano Pedrosa, directeur du Musée de São Paulo et commissaire principal de l’évènement, a choisi l’intitulé « Stranieri Ovunque – Foreigners Everywhere ». Il s’agit d’une référence à une œuvre du collectif d’artistes Claire Fontaine. Et il oriente ainsi la Biennale vers des questions d’altérité́, de marginalité et de mouvements.

L’artiste franco-caribéen Julien Creuzet représentera le Pavillon français. Son travail protéiforme, de la sculpture à la vidéo, est traversé par l’histoire coloniale et les imaginaires créoles. Julien Creuzet présente un langage poétique et complexe. Il associe différentes temporalités et crée des œuvres hybrides et sensorielles au propos politique. Pour cela, il s’inspire de la théorie postcoloniale et des écrits d’Édouard Glissant, penseur du « Tout-Monde » (1993).

Julien Creuzet : un titre-poème et des œuvres entre mythes, écologies et héritages

Son projet s’intitule « Attila cataracte ta source aux pieds des pitons verts finira dans la grande mer gouffre bleu nous nous noyâmes dans les larmes marées de la lune ». Un titre-poème polysémique autour du nom Attila. C’est à la fois source d’eau caribéenne, un mythe martiniquais et personnage conquérant de l’histoire occidentale.

C’est aussi un hommage à Édouard Glissant. Creuzet lui emprunte les titres fleuves. Mais aussi le mélange de poésie et de politique pour raconter des récits-monde non linéaires. On pense aux sculptures-assemblages à l’équilibre fragile, emblématiques du travail de l’artiste. Elles se composent d’objets de consommation et de matériaux composites. Et leur suspension évoque des écosystèmes précaires et des corps altérés. Ses installations et ses œuvres vidéos revisitent quant à elles les héritages culturels. La plus récente « Zumbi Zumbi Eterno » 2023 présente un avatar en 3D de masque tribal aux allures de poisson-lune qui sillonne les profondeurs océaniques, en référence à Zumbi Dos Palmares, meneur de révolte d’esclaves dans le Brésil du 17e siècle.

Un Pavillon français entre mythologies, voix transatlantiques et héritage d’Édouard Glissant

Le Pavillon sera un espace exploratoire composé de sculptures et d’œuvres vidéo autour d’imaginaires mythologiques et ultramarins. Pour sa conception, l’artiste est accompagné de deux curatrices, Céline Kopp directrice du Magasin de Grenoble et Cindy Sissokho commissaire d’exposition basée à Londres qui élargit la dimension transatlantique du travail de l’artiste en intégrant au projet des figures artistiques et politiques anglo-saxonnes. Octavia Butler, écrivaine afro-américaine et féministe, pionnière du mouvement Afrofuturiste sera l’une des 70 voix présentes dans l’installation sonore autour du Pavillon.

C’est hors de l’Hexagone, depuis la Maison Édouard Glissant face au rocher Diamant de Martinique, que Julien Creuzet a souhaité présenter son projet pour la Biennale. Une première pour cet évènement international. À cette occasion, il inaugurait aussi, dans ce lieu historique d’échanges artistiques et intellectuels, le Edouard Glissant Art Fund et sa résidence d’artistes, présidé par Mathieu Glissant le fils du penseur. Le Edouard Glissant Art Fund encouragera les dialogues avec la création contemporaine, notamment grâce à un comité scientifique international comprenant 20 personnalités dont le curateur Hans Ulrich Obrist et le penseur Souleymane Bachir Diagne, qui sera chargé d’inviter de jeunes artistes et commissaires d’exposition.

Avec le Tout-Monde, Édouard Glissant repensait un « Universel abstrait » et l’ouvrait à un processus de métissage (Poétique de la Relation 1990). Sa pensée se différenciait ainsi du concept de Négritude énoncé par l’écrivain Aimé Césaire (Revue L’Étudiant Noir 1935). À travers ses créations, Julien Creuzet accueille les différents courants de la pensée postcoloniale et propose de façonner un Tout-Monde d’après, répondant ainsi aux problématiques posées par le titre de la Biennale « Stranieri Ovunque ».

« Stranieri Ovunque – Foreigners Everywhere », la Biennale d’art contemporain de Venise du 20 avril au 24 novembre 2024.

Maison Édouard Glissant – Résidence d’artistes. Courtesy Edouard Glissant Art Fund – Mathieu Glissant

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