Revoir Van Eyck au Musée du Louvre

Revoir Van Eyck au Musée du Louvre
Jan van Eyck, La Vierge du chancelier Rolin © RMN-Grand Palais (Musée du Louvre), Michel Urtado
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La restauration du tableau de Jan Van Eyck intitulé La Vierge du chancelier Rolin commencée en 2021 s’est achevée cette année. Pour fêter la fin de ce travail qui permet de redonner toute sa luminosité à cette œuvre majeure, le Musée du Louvre propose une exposition qui la met en regard d’autres productions de l’artiste et de ses contemporains.

Connu pour son tableau L’Homme au turban rouge, qu’on suppose être son autoportrait réalisé alors qu’il était âgé d’une quarantaine d’années, Jan van Eyck est un peintre néerlandais né vers 1390. Au service de Philippe le Bon, duc de Bourgogne, qui lui a versé une rente tout au long de sa vie, il a effectué de nombreux tableaux commandés par le duc ou par des personnalités de son entourage. Travaillant principalement à l’huile sur toile, il a réalisé surtout des représentations de la vierge et des portraits de personnages dont les regards frontaux constituent sa signature.

Intégré aux collections du Louvre depuis 1800 mais initialement conçu pour la chapelle Saint-Sébastien de l’église Notre-Dame-du-Châtel-d’Autun, le tableau La Vierge du chancelier Rolin a longtemps été nommé La Vierge d’Autun. De son nom complet Le Chancelier Rolin en prière devant la Vierge et l’Enfant, il a été exécuté par Van Eyck à la demande de Nicolas Rolin (chancelier du duc de Bourgogne) qui souhaitait en orner l’église où reposaient ses aïeux. Les historiens évaluent sa datation aux alentours de 1435, le cadre d’origine qui devait porter trace de la date de réalisation ayant disparu au cours de ce transfert. De format relativement modeste (66 x 62 cm), cette huile sur toile est, avec Les Époux Arnolfini, l’œuvre de Van Eyck la plus connue. Elle est considérée comme un chef-d’œuvre en tant qu’elle se situe à la charnière de la tradition médiévale et des innovations qu’intègre l’art flamand au début du XVe siècle. Reconnue pour cela comme une œuvre majeure, elle l’est aussi en raison des nombreux questionnements que cette scène réunissant personnages divins et figure terrestre a su susciter. À l’image du tableau présentant le marchand Arnolfini et son épouse, cet ex-voto comporte en effet de nombreux symboles mais, comme dans la scène du couple, leur sens est rendu ambigu par la composition. Répondant à une demande, Van Eyck a conçu l’espace de façon à faire passer ses idées sans froisser son commanditaire. La perspective rigoureuse joue ici un rôle similaire à celui du miroir révélant l’envers du décor dans l’œuvre des époux. Elle a ouvert la voie à de multiples interprétations.

Parce que ce tableau est énigmatique, l’exposition s’articule en autant de questions qu’il a soulevées dans les écrits des historiens. Pourquoi Van Eyck a-t-il peint ce minuscule paysage, quasi-invisible, à l’arrière-plan du tableau ou encore quel sens donner aux petits personnages représentés de dos ? Sans dévoiler ici les réponses apportées par la commissaire de l’évènement, Sophie Caron, nous pouvons révéler qu’elles s’appuient sur des comparaisons avec d’autres œuvres. Enluminures, dessins, panneaux peints ou bas-reliefs, quelque soixante œuvres de contemporains de Van Eyck sont mises en regard de son tableau. Outre ces œuvres signées Hieronymus Bosch, Robert Campin ou Rogier van der Weyden, l’exposition réunit six tableaux de l’auteur de La Vierge du chancelier Rolin dont La Vierge de Lucques prêtée pour la première fois par le musée Städel de Francfort où elle est exposée habituellement. Inaugurée la semaine dernière, elle est à visiter jusqu’au 17 juin.