Depuis quatre-vingts ans, un tel lieu continue d’étonner : une maison de retraite dédiée en priorité aux artistes.
La naissance de la Maison nationale des artistes
L’histoire remonte à 1944, année durant laquelle les sœurs Madeleine Smith-Champion et Jeanne Smith lèguent leurs deux châteaux du XVIIe et XVIIIe siècle à l’État français. L’une est peintre, et l’autre est photographe. Et leur souhait est clair. Que l’une des deux demeures devienne une maison spécialement destinée à l’accueil des artistes et écrivains vieillissants.
La demeure de Jeanne Smith se situe sur la commune de Nogent-sur-Marne dans le département du Val de Marne. Elle rayonne au sein d’un parc à l’anglaise de dix hectares. Et dès 1945, elle devient « la Maison nationale des artistes ». Une maison de retraite réservée aux artistes et aux auteurs, conformément au souhait des deux soeurs.
Le peintre français Maurice Guy-Loë avait déjà été nommé secrétaire général de L’Entraide des Artistes à l’Hôtel Salomon de Rothschild pendant la seconde guerre. Et c’est à lui qu’on confie la nouvelle institution. La maison est désormais gérée par la Fondation des Artistes, qui accompagne les artistes tout au long de leur carrière.
Un EHPAD qui garde l’esprit des fondatrices
La Fondation développe toutes sortes d’activités en faveur des artistes : attribution d’ateliers, aide à la production d’œuvres d’art, remise de prix, promotion à l’international. Et elle s’occupe également de cet Établissement d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes.
L’établissement conventionné par l’État s’est évidemment modernisé depuis sa création. Il s’est notamment doté d’installations médicales. Mais il entend préserver l’esprit voulu par les sœurs Smith. Ainsi, il propose une programmation de concerts enregistrés, de performances, de projections, de lectures de la presse et de conférences. Comme d’autres maisons de retraite, il propose un accès à la culture en tant que récepteur. Mais il met surtout à disposition des résidents des équipements leur permettant de poursuivre une activité de création.
Créer, montrer et transmettre l’art
Individuellement ou collectivement, les artistes résidents ont de quoi continuer de développer leurs pratiques grâce aux matériaux et instruments disponibles dans des espaces adaptés à leurs usages. Et parce que, tout artiste le sait bien, avoir la possibilité de montrer son travail reste la meilleure façon de ne pas se décourager, la Fondation des Artistes organise également des accrochages, qu’ils soient monographiques ou collectifs, des résidents. Ces expositions, réalisées avec sérieux et disposant des moyens nécessaires, sont ouvertes au public de la Maison d’art Bernard Anthonioz, le centre d’art contemporain installé à quelques mètres, dans la demeure de Madeleine Smith-Champion.
Le parc jouxtant les deux demeures accueillant par ailleurs quelque trente-cinq ateliers occupés par des artistes en activité, les artistes seniors peuvent également échanger avec les plus jeunes. Le changement d’appellation de maison de retraite à EPHAD n’est cependant pas anecdotique. Arrivant très tard, les artistes résidents sont souvent dépendants ou atteints de maladies dégénératives. Là où les sœurs Smith souhaitaient voir se développer une communauté d’artistes âgés échangeant autour de leur pratique artistique, il s’agit plutôt de personnes malades ne pouvant plus vivre seules. Reste que si beaucoup ne sont plus en capacité de créer des œuvres, la Maison nationale des artistes est une maison de retraite premium, et ce alors même que l’établissement privé à but non lucratif est habilité par l’aide sociale, ce qui signifie qu’il n’exige aucun critère de revenus pour les quatre-vingts résidents qu’il est en droit d’accueillir.
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