Olivier Mosset : cinquante ans de peinture abstraite à la galerie Les filles du calvaire

Olivier Mosset : cinquante ans de peinture abstraite à la galerie Les filles du calvaire
Vue de l’exposition, Olivier Mosset, à la galerie Les filles du calvaire, rue Chapon, février 2024 © Rebecca Fanuele
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La galerie Les filles du calvaire présente jusqu’au 24 février une exposition consacrée à l’artiste abstrait Olivier Mosset. Des peintures récentes de formats monumentaux côtoient des tableaux aux dimensions plus modestes réalisés au début de la carrière de l’artiste. Elles sont toutes réparties dans son grand espace situé rue Chapon. L’ensemble offre un panorama sur les évolutions de ses préoccupations durant presque soixante ans.

 

Vue de l’exposition, Olivier Mosset, à la galerie Les filles du calvaire, rue Chapon, février 2024
Olivier Mosset
Sans titre (rond), 1970
Acrylic on canvas
100 x 100 cm
© Rebecca Fanuele

 

Les cercles noirs : l’esthétique du degré zéro de la peinture

Parmi les pièces historiques, se trouve un tableau de la série des cercles noirs sur fonds blancs. Ces oeuvres sont éalisées à quelque 200 exemplaires entre 1966 et 1974. Et elles témoignent du refus de l’artiste de répondre aux exigences du marché de l’art. Et notamment à la demande de pièces uniques.

Avec ces toiles présentant un simple cercle, Mosset utilisait une forme qu’il savait avoir été employée par de nombreux peintres avant lui. Il s’opposait ainsi à l’idée traditionnelle de l’artiste comme créateur unique.

Ces œuvres à l’esthétique neutre, dont la forme circulaire pouvait renvoyer au degré zéro de la peinture, furent popularisées lors des « Manifestations ». Ces événements ont été organisés en collaboration avec Daniel Buren, Michel Parmentier et Niele Toroni. Sous l’appellation BMPT, ces artistes partageaient une même volonté de démystifier la peinture. Ils échangeaient leurs œuvres et signaient les tableaux réalisés par les autres.

 

Vue de l’exposition, Olivier Mosset, à la galerie Les filles du calvaire, rue Chapon, février 2024
Olivier Mosset
Sans titre, 2023
Silkscreen on 300gr Fedrigoni paper
70 x 70 cm
© Rebecca Fanuele

 

L’évolution des motifs : du cercle à la bande

Si l’on regarde l’évolution des pratiques de chacun d’eux, Buren étant resté associé à ses bandes et Toroni à ses empreintes de pinceaux, sans doute Mosset était-il le plus convaincu que les formes appartiennent à tous. Il est probable également que son premier voyage aux États-Unis en 1967 ait modifié son rapport à l’art. Ainsi, en 1972, quatre ans après que BMPT a organisé sa dernière manifestation collective, Mosset emprunte le motif des bandes à son ancien collègue.

On peut lire ce geste « appropriationniste » dans la continuité d’une réflexion conceptuelle visant à interroger l’identité visuelle, le rapport entre signe et auteur. Et l’artiste a eu l’occasion de dire à quel point c’était la forme qui avait retenu son attention. La bande, à l’inverse du cercle qui se détache sur un fond, ne permet pas de distinguer forme et fond. C’est en peintre qu’il s’est intéressé à la bande. Et les quatre lithographies noir et rose actuellement exposées à la galerie Les filles du calvaire témoignent de ce goût pour l’effacement du dessin dans l’aplat qui se réalise pleinement dans le monochrome.

 

Vue de l’exposition, Olivier Mosset, à la galerie Les filles du calvaire, rue Chapon, février 2024
Olivier Mosset
Sans titre, 2008
Acrylic on canvas
120 x 120 cm
© Rebecca Fanuele

 

Le monochrome et l’influence du Radical Painting Group

En 1977, Mosset s’installe à New York. Peu après, il rejoint les membres du Radical Painting Group. Il contacte tout d’abord Marcia Hafif, qui considère le monochrome comme la voie à suivre pour revivifier la peinture. Selon elle, les premiers tableaux monochromes sont associés au suprématisme russe et à Kasimir Malevitch. Ils représentaient une affirmation de la fin de l’art. Elle estime pourtant qu’ils doivent permettre de distinguer la multitude de choix auxquels un artiste est confronté dans l’acte de peindre, comme la teinte, le matériau, le type d’application ou le procédé de monstration.

Les artistes doivent assumer leur fonction affirme Hafif qui place en regard des monochromes d’Alexandre Rodtchenko, rouge pur, bleu pur et jaune pur, ses propres monochromes, rouge cadmium moyen, jaune cadmium moyen et bleu ultramarin. La couleur spécifique remplace la couleur théorique qui est, selon elle, une pure vue de l’esprit[1]. Les deux tableaux de dimensions identiques mais de couleurs différentes peints par Mosset, surfaces lumineuses flottant dans l’espace d’exposition, incarnent cette réflexion sur le monochrome à laquelle l’artiste n’a jamais renoncé.

 

Vue de l’exposition, Olivier Mosset, à la galerie Les filles du calvaire, rue Chapon, février 2024
Olivier Mosset
Sans titre, 2003
Acrylic on canvas
17 11/16 x 17 11/16 in
45 x 45 cm
Edition 1 of 1
© Rebecca Fanuele

 

La forme comme matière : du shaped canvas aux XOXOXO

Pour Mosset, son premier monochrome coïncidait donc exactement avec les dimensions du mur qui l’accueillait (Peinture rouge réalisée pour la Xe biennale de Paris). Il considère que la couleur présentée seule transforme la surface en une forme en elle-même. La toile ne sert plus seulement de support pour des formes. Dès lors que la surface se confond avec le motif, le travail du contour devient nécessaire.

Mosset a rapidement recours à la technique du shaped canvas, empruntée à Frank Stella. L’exposition présente un ensemble de tableaux en forme de croix et de cercle qui illustre cette période. Trois « X » et trois « O » alternent dans cette série, revisitant les tableaux précédents présentant des cercles. Elle fait également référence aux œuvres réalisées juste avant, marquées de la lettre « A » entre 1964 et 1966.

Cette première lettre de l’alphabet symbolisait le degré zéro du message. Par la suite, le sigle XOXOXO formé par les shaped canvas semble confirmer ce que l’artiste Serge Bard rapportait de ses conversations avec Mosset dans le catalogue n° 1 : « Cette peinture n’est que ce qu’elle est [2] ».

Et en effet, toutes les peintures de Mosset, celles évoquées ici et d’autres exposées à la galerie, ne parlent que de peinture, mais la peinture est un vaste sujet et Mosset l’a fait sien  pendant plus de cinquante ans.

À lire aussi :

 

[1] Voir Marcia Hafif, “Beginning Again”, Artforum, vol XVII, n°1, septembre 1978

[2] Olivier Mosset, catalogue n° 1, Paris, 1968. Disponible ici : https://issuu.com/jcajcriticavit/docs/catalogue_n__1