Intitulé Peindre le paradis, ou la beauté irrégulière, le livre publié par les Éditions Hermann la semaine dernière regroupe trois textes rédigés par le peintre Pierre-Auguste Renoir (1841-1919) à différents moments de sa vie.
Le premier, « L’Art décoratif et contemporain », a paru dans le quatrième numéro de la revue L’Impressionniste en 1877. Il consiste, comme son titre l’indique, en une réflexion sur la peinture décorative et, plus précisément, sur la décoration monumentale de l’époque. L’artiste y déploie ses griefs mais se fait aussi force de propositions pour améliorer un genre qui lui semble manquer d’équilibre.
Le deuxième, écrit par le peintre en 1884 et intitulé « La Société des irrégularistes », est un texte inédit. Plus court que le précédent, il livre cependant une réflexion profonde sur sa conception de l’art selon laquelle tout bon créateur serait un « irrégulariste ». Il déclare « On peut ainsi, sans crainte d’erreur, affirmer que toute production véritablement artistique a été conçue et exécutée d’après le principe d’irrégularité ».
Le dernier texte, « Préface au Livre de l’art ou Traité de la peinture de Cennino Cennini », consiste en une lettre adressée à Mottez, éditeur à l’origine d’une réédition du « Traité de la peinture de Cennino Cennini ». Rédigée en 1910 pour faire office de préface à l’ouvrage en question, elle s’appuie sur les enseignements de Cennini, qualifiés de « leçons de choses » par Renoir, pour insister sur l’importance de la tradition dans le genre pictural.
Ainsi, bien qu’il ait, comme le rappelle le directeur d’études à l’EHESS Jacques Leenhardt dans sa préface, souvent été considéré comme un peintre d’instinct en opposition à des peintres plus intellectuels comme Manet ou Degas, Renoir aura pensé les développements picturaux de son temps.
Membre fondateur des Archives de la critique d’art et président d’honneur de l’AICA, le préfacier retrace par ailleurs le contexte des écrits de Renoir. Rappelant les bouleversements sociaux, économiques et artistiques du tournant du XIXe siècle, il permet de mieux comprendre l’ambivalence de Renoir, à la fois en rupture avec l’académisme et profondément attaché à l’idée de métier. Revenant également sur quelques points biographiques et notamment sur les origines de l’artiste, il permet de mieux saisir son désir de peindre une vision rêvée du monde.
Illustré de quelques tableaux, et notamment de deux autoportraits venant donner corps aux réflexions du peintre, ce livre au prix très accessible offre une porte d’entrée à l’œuvre de cet artiste majeur de la tradition française.