Ugo Rondinone, LOVE INVENTS US

Ugo Rondinone, LOVE INVENTS US
Les horizons des chevaux de verre — Ugo Rondinone au MAH Genève © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo Barbara Polla
À voir

Troisième « carte blanche » du directeur du Musée d’Art et d’Histoire à Genève, Marc Olivier Wahler : cette fois-ci à l’artiste Ugo Rondinone, qui réinvente, encore une fois, le MAH du futur. Propos entendus en cours de visite : « On voit enfin le Musée, on voit l’Art et l’Histoire ! ».

Avec amour et poésie, parce que l’amour et la poésie sont à la base de sa propre création, Ugo Rondinone a ressorti des réserves inépuisables du MAH plus de 700 merveilles et, grâce à sa collaboration avec Frédéric Jardin, architecte d’intérieur qui a su matérialiser l’âme de l’artiste, les présente dans des environnements de rêve et crée un dialogue vibrant entre les œuvres muséales et les siennes propres, au travers même du temps.

Dans la première salle, des stèles des guerriers de Hodler. On admire le maître. On se retourne et au dos des stèles, on découvre des dessins. L’espace d’un instant, dans la lumière rose sang (mais d’où vient cette lumière ?) on croit que les dessins sont de Rondinone – ils pourraient l’être, Rondinone est (lui aussi) un dessinateur d’exception – mais non, ce sont les dessins de Hodler, savamment sélectionnés.

 

LOVE INVENTS US IN RED — Ferdinand Holder by Ugo Rondinone au MAH Genève © Musée d’art et d’histoire de Genève, photo Barbara Polla

 

La salle suivante est verte – et on commence à comprendre : les couleurs de l’arc en ciel sont celles des cibles de Rondinone,… LOVE INVENTS US – en couleur et toutes les vitres du MAH ont été recouvertes de films de couleurs. Synesthésie garantie : la salle verte est de musique et de porcelaine, des mains de marbre et des gants blancs égrènent dans notre imaginaire des notes de l’un de ces instruments d’exception que la manufacture genevoise Braschoss a réalisé – serait-ce celui de Liszt ? Sur une étagère, deux pieds droits dodus, dépareillés, semblent vouloir s’élancer vers la salle suivante, dans laquelle des petits chevaux de verre bleu paraissent brouter les pâquerettes du sol, entourés des paysages lacustres sublimes de Hodler – les horizons des tableaux du maître trouvant un écho surréaliste dans les lignes qui soulignent les corps des chevaux de verre.

 

LOVE INVENTS US IN GREEN – Ugo Rondinone au MAH Genève
© Musée d’art et d’histoire de Genève, photo Barbara Polla

 

La salle des vitraux, quant à elle, devient l’allée de l’agonie, celle de Valentine Godé Darrel que Ferdinand Hodler a dessinée avec passion, belle, malade, mourante… morte (pour cette série, la visite peut se poursuivre au Musée Jenisch à Vevey, qui présente « Revoir Valentine ». Accompagner l’aimé vers la mort, en toute beauté : Ferdinand Hodler et Valentine, comme Ugo Rondinone et John Giorno.

Les salles suivantes présentent de puissantes sculptures en terre d’Ugo Rondinone, réalisées in situ, qui contrastent avec la délicatesse extrême de ses dessins sur toile et plâtre. Un autre visiteur (on reconnait l’auteur du Voyage existentiel) se demande à haute voix : « Quel est le message ? » Puis il s’apporte à lui-même sa propre réponse : « Ah, oui, des sentiments, des valeurs que l’on ne voit pas, mais que le corps ressent ; un étonnement, un émerveillement… »

Puis des horloges, qui baignent dans une lumière dorée – Je cherche l’Or du Temps et la Beauté des Choses…  – et l’on évoque Bergson, la conjonction des temps, dans cet espace rythmique qui nous conduit vers une porte secrète et la chambre des couleurs, la chambre de barbe bleue de barbe rose barbe verte barbe jaune…

Pour finir, la fluidité du corps des femmes de Vallotton – LOVE INVENTS US IN BLUE – font écho à la puissance des corps de guerriers de Hodler. Mais auparavant, Rondinone nous fait encore frissonner pour avoir  « semé » devant les armures des guerriers de musée et leurs meurtrières hallebardes des corps sculptés souffrants, à terre, amputés en partie, pour nous rappeler, comme le décrivait si bien Manou Farine en 2007 dans le Journal des Arts, qu’il est un « lutin pacifique » porteur de transcendance, un de ces lutins dont nous avons plus que jamais besoin aujourd’hui.

 

À la lisière, Ugo Rondinone au MAH Genève
© Musée d’art et d’histoire de Genève, photo Barbara Polla

 

Exposition jusqu’au 18 juin 2023. Pour en savoir plus :

http://institutions.ville-geneve.ch/fr/mah/expositions-evenements/expositions/carte-blanche-a-ugo-rondinone/

Nuit de la Poésie, du 3 au 4 juin : Lire pour la paix. Car « La poésie est toujours un acte de paix » (Pablo Neruda).