Genet à Tanger

Genet à Tanger
À voir

Le livre de Guillaume de Sardes, Genet à Tanger, est un joyau. Publié par Hermann, ce petit livre délicat à l’œil et au toucher recèle en réalité de vastes connaissances accumulées par son auteur : il s’est agi pour lui de lire ou relire les écrits de Jean Genet et ce qui s’est écrit sur Jean Genet ; de retourner sur les pas de Genet, à Tanger, de retrouver ses traces, dans cette lumière de fin de vie ; d’écouter, de s’imprégner de ce qui reste, ce qui flotte encore dans l’air, de boire du thé en regardant la beauté du monde ; puis de suivre Genet au Liban, à Sabra et Chatila ; et enfin, de revenir, encore, à Tanger. Le livre, un essai parfaitement documenté, devient au fil des pages un auto-portrait, qui nous parle aussi de l’âme sensible de celui qui l’a écrit. On entre dans un récit à deux voix : deux écritures, deux écrivains distants et proches à la fois, et le lecteur suit alors les pas de l’un puis de l’autre, le crépuscule de l’un, la lumière que l’autre porte et lui apporte… Le lecteur est à Tanger, avec Genet, aux côtés de Guillaume de Sardes. Le film n’existe pas encore, mais les mots se transforment déjà en images et il est là, dans les yeux du lecteur.

Entre en scène Philippe Torreton. L’incroyable est parfois vrai. Philippe Torreton ne joue pas Jean Genet, il est Jean Genet. Et ce que le lecteur avait en tête, il le découvre à l’écran. Comme un aller-retour entre les images du film et celles qui déjà habitaient son propre cerveau. Les images parfaites du court-métrage (12 minutes, pas encore assez pour aller au Liban, ce sera dans quelque temps, une deuxième étape d’images) permettent au lecteur de voir la lumière telle qu’elle est, en vérité, et d’entendre Genet, de le voir fumer – oui, on fumait en ce temps-là, et d’ailleurs les plans sont coupés parfois par le crissement d’une allumette, dont le spectateur croit sentir le soufre libéré… Une narration aussi, une rencontre, quelques mots échangés au café, le visage sans concession de Genet. Il aime la poésie, dit-il, Rimbaud, Mallarmé. Et l’on entend, face à la plage, à la mer où la lumière se joue et où les corps des garçons et des adolescents jouant au ballon vibrent dans la lumière comme des mirages, oui on entend Genet lire Mallarmé… et quand le film se termine l’on n’a qu’un désir, le regarder encore. Relire le livre, revoir le film : Fuir ! là-bas fuir ! Je sens que des oiseaux sont ivres / D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !