Fondée en 1965, deux ans et demi après l’indépendance, la Cinémathèque algérienne, sise 26 rue Ben M’hidi Larbi à Alger, est née grâce à la volonté de deux responsables du cinéma algérien : Mahieddine Moussaoui et Ahmed Hocine. Lieu d’une mémoire cinématographique, elle est également celui de débats où bien des réalisateurs sont venus présenter leurs films : Youssef Chahine, Jean-Luc Godard, Josef von Sternberg, Costa Gavras, Merzak Allouache, Lakhdar Hamina ou encore Azzedine Meddour. Salim Aggar, directeur de la cinémathèque depuis décembre 2018, a bien voulu nous recevoir pour en évoquer l’histoire.
Guillaume de Sardes : Pour commencer, pourriez-vous rappeler quel a été votre parcours ?
Salim Aggar : Avant de diriger la Cinémathèque, j’ai été journaliste, critique de cinéma et réalisateur. Je suis notamment l’auteur d’un documentaire sur le film mythique de Gillo Pontecorvo, L’histoire du film La Bataille d’Alger. On ne m’a confié que récemment la direction de la Cinémathèque.
G.S. : Dans quelles conditions la cinémathèque algérienne a-t-elle été fondée ?
S.A. : Durant la guerre d’Algérie, le rôle de « coordinateur de la collecte des images » échut à Mahieddine Moussaoui. Il s’agissait alors de récupérer des images pour soutenir la cause indépendantiste et internationaliser le conflit. Une fois l’Algérie libérée, Mahieddine Moussaoui a pris la tête du nouveau Centre national de l’image et décidé de créer un grand centre d’archives. Celui-ci n’était pas conçu comme un lieu de projection, mais uniquement comme un service de conservation destiné à accueillir les photographies et les films rapatriés de Tunis. Il pensait en effet qu’ « un peuple sans histoire n’est pas un peuple, un pays sans archives pas un pays. » Mais, devant les difficultés, ce projet a évolué pour devenir une cinémathèque, c’est-à-dire un lieu destiné à la préservation et à la projection des seules œuvres filmiques. La Cinémathèque algérienne est née ainsi en 1965.
G.S. : Combien de salles de projection possède la cinémathèque ?
S.A. : Il y a celle d’Alger comptant 250 places, qui fonctionne avec un espace d’exposition, et onze autres salles de répertoire dans les principales villes d’Algérie.
G.S. : Quelle est votre programmation ?
S.A. : Dès son ouverture, la cinémathèque a organisé des cycles thématiques : « cinéma indien », « cinéma égyptien », « cinéma fantastique », « René Clair », « Mizoguchi », etc. C’est cette tradition que j’essaye de perpétuer, aidé d’une équipe de quatre personnes. J’ai ainsi organisé un cycle « Sergio Leone » et on prépare un cycle « Bertolucci ». Savez-vous qu’Un thé au Sahara (1990) a été tourné en Algérie à Bou-Saada ? Nous allons programmer dans le cadre du cycle Bertolucci un documentaire inédit de Fitas composé d’images tournées à l’époque. C’est à Bou-Saada aussi qu’a été tourné Trois pistolets contre César d’Enzo Peri, le premier et seul western jamais tourné en Algérie !
G.S. : Que pouvez-vous nous dire des archives de la cinémathèque ?
S.A. : Nos archives comptent de véritables trésors dont beaucoup sont encore à découvrir. Après l’indépendance, le président Boumédiène a nationalisé la production et la distribution cinématographiques. Les sociétés étrangères présentes en Algérie ont donc quitté le pays, laissant derrière elles tous leurs films et leurs archives : des bobines de film datant du muet, des scénarios, des photographies de plateau, des affiches. Nous recevons des demandes de prêt du monde entier. Récemment, la cinémathèque algérienne a par exemple prêté le film La Nouba des femmes du Mont Chenoua d’Assia Djebar
G.S. : Pour finir, pourriez-vous nous donner votre opinion sur le cinéma algérien ?
S.A. : Il a traversé une période difficile durant les années noires avant de renaître entre 2002 et 2014. De vieux réalisateurs ont alors repris la caméra après une parenthèse de plus de dix ans. Le cinéma algérien est un cinéma d’auteurs engagés. Il s’exporte bien dans les grands festivals internationaux. Qu’on pense à Rachid Bouchareb, Merzak Allouache ou encore Lyes Salem.