Les sixties à Milan

Les sixties à Milan
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Si le « miracle italien » de l’après-guerre a fait sentir ses effets dans toute la péninsule, nulle part il n’a davantage transformé la vie sociale et ses cadres qu’à Milan, qui fait alors figure de véritable capitale : si Turin, par exemple, est une ville industrielle plus importante, à Milan sont concentrées les maisons de mode et de design, qui diffusent largement le style italien, les maisons d’édition, et aussi les centrales d’affaires. La population croît très rapidement, et la construction marche à plein régime, à la fois pour loger ces nouveaux habitants et pour accueillir bureaux et boutiques. Un journal n’hésite pas à titrer : « Milan vous appelle pour vous donner le bien-être » ! La ville se hérisse de hauts immeubles qui lui confèrent des allures américaines ; l’emblème en est la Tour Pirelli, haute de 127 m, conçue par deux gloires de la création italienne d’alors, Gio Ponti et Pier-Luigi Nervi. Voitures et vespas sillonnent les rues. 

(c) Archivio Ernesto Fantozzi.

 

On connaît cette ambiance de modernisation à la fois exaltante et déshumanisante : le cinéma des années 60 l’a magnifiquement révélée, à commencer par l’admirable Notte d’Antonioni en 1961. Mais la photographie livre aussi un témoignage exceptionnel sur ces roaring sixties lombardes, comme le prouve la riche exposition présentée cet hiver au Palazzo Lombardo. On y voit vivre et respirer la métropole du Nord, au rythme du travail et des loisirs, largement tournés vers la musique et la culture anglo-saxonne – les Beatles jouant les touristes sur le toit du Duomo ! On y sent aussi la pulsation d’une vie politique ardente, rythmée par les revendications ouvrières et l’ample diffusion d’une culture de gauche qu’exprimait au quotidien la lecture, individuelle ou collective, de L’unità. La décennie, on le sait, devait se terminer dans le sang, avec le massacre de Piazza Fontana (décembre 1969), signant l’entrée de l’Italie dans les années de plomb. En regardant la longue file des corbillards traversant la ville, on entend les vers terribles du Patmos de Pasolini – un adieu, décidément, à cet espoir d’un monde nouveau devenu pour nous un fait d’histoire.

 

Milano anni 60 – Milan, Palazzo Morando – jusqu’au 9 février.

Image de titre : (c) Archivio Carlo Orsi.