Les sculptures horizontales de Carl Andre

Les sculptures horizontales de Carl Andre
Carl Andre, "9th Cedar Corner", 2007, © Carl Andre / Licensed by VAGA at ARS, New York.
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« Pour moi, une sculpture est semblable à une route… Mes œuvres obligent le spectateur à marcher le long d’elles, ou autour d’elles ou au-dessus d’elles ».

Carl Andre, né en 1935 dans le Massachusetts, est un peintre et sculpteur minimaliste américain. Dès ses seize ans, il étudie la peinture à la Philips Academy d’Andover, une école située près de Boston. Il y fait la rencontre du futur cinéaste Hollis Frampton avec qui il se lie d’amitié. Après être passé rapidement par le Kenyon College de Gambier dans l’Ohio, il travaille pour une société industrielle. En 1954, ayant économisé suffisamment d’argent, il voyage en Europe où son oncle anglais lui fait visiter le site des mégalithes de Stonehenge qui le marque profondément. C’est aussi lors de ce séjour qu’il découvre l’œuvre du sculpteur roumain Brancusi dont il se dit le disciple. À son retour, il effectue son service militaire dans les services de renseignement en Caroline du Nord. L’année suivante, il s’installe à New York pour travailler dans une maison d’édition et partage un atelier avec le peintre Frank Stella qui réalise alors sa série des Black Paintings. Cependant, Andre abandonne vite la peinture pour s’intéresser à la sculpture.

Carl Andre, « Belgica Blue Tin Raster », 1990, © Carl Andre / Licensed by VAGA at ARS, New York.

 

Il réalise tout d’abord des œuvres modulaires en bois influencées par celles de Brancusi puis il simplifie sa pratique pour produire des assemblages de blocs de bois non travaillés. De 1959 à 1964, il est employé comme mécanicien et conducteur pour la compagnie des chemins de fer de Pennsylvanie dans le New Jersey. L’horizontalité de l’architecture ferroviaire semble l’inspirer puisqu’en 1965, il présente des assemblages de poutres horizontales pour sa première exposition personnelle à New York. L’année suivante, il participe à l’exposition Primary Structures au Jewish Museum de New York. Lors de cet événement qui regroupe de nombreux acteurs du mouvement minimaliste comme Dan Flavin, Donald Judd et Sol LeWitt, il expose une ligne constituée de cent briques expérimentant ainsi la répétition d’un même module. À partir de cette date, Andre ne cesse de rendre ses sculptures les plus horizontales possible présentant des juxtapositions de plaques carrées de différentes dimensions et matériaux. Avec ces pièces, il remet en question le caractère vertical de la sculpture et la position de surplomb qui en résulte. En présentant des œuvres sur lesquels le spectateur est invité à marcher, Andre désacralise la sculpture originellement associée à la représentation des grands hommes et l’intègre à l’espace. Ces œuvres, lorsqu’elles sont rectilignes, tracent un chemin sur le sol alors que sous d’autres formes, elles le fractionnent et le reconfigurent. La sculpture ne se présente plus comme objet distinct du site qui l’accueille mais comme partie intégrante du lieu. Toutes identiques, les unités modulaires de ses sculptures horizontales se développent selon des suites logiques possiblement infinies. « Je ne fais que poser la Colonne sans fin de Brancusi à même le sol au lieu de la dresser vers le ciel » déclare-il.

Carl Andre, « Copper-Zinc Plain », 1969, © Carl Andre / Licensed by VAGA at ARS, New York.

 

Il réalise des œuvres de plus en plus grandes à l’image de celle intitulée Equivalent VIII, acquise en 1972 par la Tate Gallery de Londres, qui consiste en un arrangement rectangulaire de cent vingt briques. Il produit aussi de plus en plus d’œuvres en extérieur, comme son installation Stone Field Sculpture composées de trente-six rochers disposés sur la pelouse du Gold Street dans le Connecticut. Ces deux travaux démontrent la volonté d’Andre de mettre en avant les qualités plastiques, qu’elles soient tactiles ou chromatiques, des éléments qu’il utilise. À l’inverse des autres acteurs du minimalisme, Andre ne combine que très rarement ses matériaux et ne leur fait subir aucun traitement. Les éléments qui composent ses œuvres ne sont ni poncés, ni limés, ni vernis ; ils sont utilisés bruts et l’œuvre révèle sa qualité esthétique par le seul travail d’agencement. En 1970, le musée Guggenheim de New York lui consacre une exposition personnelle et son œuvre est, depuis, régulièrement présentée au public lors d’expositions collectives comme d’expositions solos, en musées ou en galeries, aux États Unis mais aussi en Europe.

Si la démarche d’Andre a acquis une telle notoriété c’est parce qu’elle remet en question tous les fondements de la sculpture. À la limite de la visibilité, disposées de telle façon que le spectateur marche ou s’assoit dessus, ces pièces reconfigurent le rapport entre l’œuvre et le spectateur mais aussi leur lien avec l’espace. La pratique d’Andre se distingue aussi par sa radicalité : en agençant des matériaux industriels (planches de bois, briques, blocs de béton, plaques de métal) sans les mêler, il se détache comme les autres minimalistes de la signification mais, en les utilisant brut, il va plus loin dans le refus du savoir-faire de l’artiste.