Libre désir à la Villa romaine

Libre désir à la Villa romaine
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Tous les corps, tous les désirs : Love my way n’est pas une « exposition sur l’homosexualité », mais une symphonie jouant sur tous les registres des arts visuels pour célébrer la glorieuse beauté du corps masculin. Organisée dans le cadre du 34e festival de mode, de photographie et d’accessoires de mode, elle prend ses quartiers dans la spectaculaire Villa romaine d’Hyères, qui lui prête sa théâtralité, comme si un atrium, un grand salon, par la grâce des oeuvres rassemblées et de la scénographie, devenaient des boudoirs où volette le petit dieu du désir, effleurant les visiteurs, mais tout autant les visiteuses, de son aîle facétieuse. 

Nulle parcimonie dans le choix et la présentation des oeuvres. Comme dans les salons d’antan, photographies, dessins, peintures, textiles recouvrent les murs sur plusieurs rangées, envahissent les vitrines. On n’a, pour donner son plein sens à une jolie formule, que « l’embarras du choix ». Il faut dire que le catalogue ressemble à la lettre au Père Noël d’un esthète gourmand, et même vorace : « celui-ci, et puis celui-là, et puis encore cet autre… tous les artistes ! ». Une centaine de créateurs, représentant plusieurs strates chronologiques de l’art du nu masculin, sont ainsi accrochés à la Villa romaine.

© Michael Birch, Pierce, Fem Top, Toile brodée, 2019.

 

Les figures historiques des arts du désir sont représentées, à commencer par Gaston Goor, illustrateur quasi officiel des temps arcadiens, qui est chez lui à Hyères et à la Villa . En photographie, le grand ancêtre infréquentable, Molinier, est accompagné de Horst, de Voinquel, de Banier, du génial Will McBride, du puissant Mapplethorpe. Tom of Finland compte aussi parmi les patriarches de l’iconographie gay. Pierre & Gilles, ces séducteurs juvéniles déjà inscrits parmi les mythes, illustrent le versant européen et sophistiqué d’une quête d’images plus âpre de l’autre côté de l’Océan, avec une Nan Goldin ou un Larry Clark. Un des plus brillants parmi les Américains d’aujourd’hui, Brian Kenny, celui que Sacha Walckhoff appelle joliment « le king du Queens », a mis sa patte colorée sur les fenêtres et les miroirs…

Nullement impressionnés par tous ces maîtres reconnus, de très nombreux artistes en pleine activité ont répondu à l’appel. Citons, mais presque au hasard, Ludovic de Saint-Sernin, Laurent Champoussin, Camille Vivier, qui avait présenté à Hyères de magnifiques portraits il y a quelques années. Hervé Lassïnce montre quelques images de sa série « Mes frères », qui tient toutes les promesses de son beau titre. Un jeune dessinateur de grand talent, Jean Bosphore, donne à la culture du fétiche une singulière élégance. On n’en finirait plus d’énumérer les heureuses rencontres que l’on fait aux cimaises de la Villa romaine. Alors que de tristes voix cherchent à faire entendre à nouveau les antiennes mortifères du conformisme et de la haine, l’exposition d’Hyères prend les allures d’un manifeste coloré, joyeux et roboratif pour la liberté d’aimer et de jouir.

© Louis Fratino, Hannah’s bathroom, 2018.

 

Love my way – Hyères, Villa romaine – jusqu’au 26 mai.

Image de titre : © Walter Pfeiffer, Untitled, 2019.