Bienvenue aux antipodes avec « Océanie » au Musée du Quai Branly !

Bienvenue aux antipodes avec « Océanie » au Musée du Quai Branly !
Recueillie par le capitaine James Cook entre avril et juillet 1769.
À voir

Jusqu’au 7 juillet, le Musée du Quai Branly vous invite dans le Pacifique avec une exposition aussi esthétique qu’exceptionnelle, Océanie. Ou la découverte de l’art traditionnel de ces contrées lointaines et d’artistes contemporains mis en regard, entre passé et présent. Prêts à embarquer ?

Pour celles et ceux qui suivent avec intérêt les expositions présentées dans le monde entier, Océanie ne semble pas inédite. En effet, elle a été présentée à l’automne dernier, sous une toute autre scénographie, à la Royal Academy de Londres, dans le cadre de son 250e anniversaire (également celui du premier voyage de James Cook). Un événement réalisé en collaboration avec le Musée du Quai Branly qui l’accueille donc à son tour, en la réadaptant quelque peu, sous le regard avisé de Stéphanie Leclerc-Caffarel, responsable de la collection Océanie au Musée du Quai Branly. Ici, on voyage à travers 200 œuvres rares, anciennes ou contemporaines. On s’envole pour la Nouvelle-Guinée ou la Nouvelle-Zélande, on bifurque vers l’Ile de Pâques ou Hawaï. Le Pacifique devient un vaste laboratoire artistique, foisonnant et souvent passionnant.

« Kiko Moana », Nouvelle-Zélande. 2017.

 

Entre passé et présent. Si l’exposition est composée de quatre grandes thématiques, la toute première salle sert de préambule en affichant, comme dans celles qui vont suivre, des pièces historiques majeures de l’art du Pacifique, avec en regard, des œuvres créées par des artistes contemporains. Cette première salle accueille ainsi la pièce la plus ancienne de l’événement, la toute première sculpture néo-zélandaise, datant du 14e siècle, couplée d’une sculpture tahitienne du 17e siècle. Elles se retrouvent en face de l’œuvre la plus récente de l’exposition, Kiko Moana, une bâche en plastique bleue monumentale réalisée par un collectif maori, interrogeant l’avenir de l’océan Pacifique. « Nous avons voulu que cette exposition constitue un dialogue entre le passé et le présent. Les pièces d’art contemporain apportent des clés de compréhension, avec le point de vue de ces artistes océaniens », explique Stéphanie Leclerc-Caffarel. Le parcours se fera thématique, tout en comportant des paramètres chronologiques.

Wuvulu, îles de l’Ouest, archipel Bismarck, Papouasie-Nouvelle-Guinée.

 

Voyages intérieurs et extérieurs. La première section est consacrée aux voyages et à la navigation. Des voyages physiques, à travers fleuves et mer, mais aussi spirituels. « L’eau est une leitmotive tout le long de l’exposition qui présente uniquement des pièces d’artistes océaniens. La plupart proviennent de musées européens ou néo-zélandais. Pour cette salle, nous avons voulu créer un espace courbe et long pour le décor, afin d’évoquer l’idée du mouvement, avec des points d’arrêt qui permettent d’avoir des clés de compréhension supplémentaires sur les œuvres présentées », souligne la commissaire. On découvre ici une proue de pirogue fluviale et là, une pirogue votive, représentant les défunts, en route vers l’au-delà. « La pirogue est un voyage entre les mondes ». Là encore, des pagaies récoltées par James Cook lors de son expédition, comportant des décors peints à l’ocre rouge, très rares. « Ce sont les premiers exemples connus de ce genre de pièces », nous précise-t-on. Et à côté de ces pagaies, des cartes de navigation, qui servaient alors d’outils de renseignements pour les voyageurs.

Poteau en bois cylindrique figurant un accouplement. La surface du bois est raviné du fait de son exposition extérieure.

 

Quand le voyage s’arrête. Une fois que les hommes ont trouvé une terre qui leur convient, une communauté se crée, la vie sociale s’ancre petit à petit et avec elle, ses traditions et ses croyances. C’est ce que présente la deuxième grande salle, sans doute la plus impressionnante de l’exposition, toute en jaune pour « rappeler la couleur sacrée dans le Pacifique ». Ici, les formes artistiques sont diverses. On peut aussi bien admirer un poteau de maison cérémonielle que des représentations d’ancêtres divinisés. « On utilisait du bois flotté qui arrivait sur les îles et les atolls ». Les chefs sont représentés par des statues hermaphrodites, ou des tino aitu, aux formes totalement épurées. Les dieux semblent en filiation directe avec les chefs et parmi les statues les plus fascinantes, une représentation du dieu A’a, dont Picasso avait une copie. Cette statue fut donnée par des chefs à un missionnaire, en signe de conversion au christianisme. Elle était utilisée pour les cultes de fertilité et les os des chefs étaient déposés dans le ventre de la statue… Et qui dit spiritualité, dit cérémonies, ce que présente également cette salle, mélangeant des pièces servant à l’art de la guerre à l’art cérémonial, entre parures, masques et ornements.

Statuette représentant Waiet. Commissionné par l’anthropologue Alfred Haddon. Reproduit avec l’aimable autorisation du Musée d’archéologie et d’Anthropologie de l’Université de Cambridge.

 

30Entre le passé et le présent. Peu à peu, la frontière se fait de plus en plus mince entre les siècles. Sommes-nous toujours dans le passé ou dans le présent ? Tout est absorbé et tout réside dans le détail. Pièce majeure de cet amalgame entre les âges, le piano monumental de Michael Parekowhai, datant de 2011, œuvre d’art à lui tout seul, présenté à la Biennale de Venise. Décoré en laque rouge avec des motifs d’art maori et nommé L’Histoire d’un fleuve en Nouvelle-Zélande, il est inspiré par le film La Leçon de piano de la néo-zélandaise Jane Campion. « C’est le symbole même de l’art occidental transformé en œuvre d’art maori », ajoute Stéphanie Leclerc-Caffarel.

« He Kōrero Pūrākau mo Te Awanui o Te Motu ». Story of a New Zealand RiverWellington, collection du Museum of New Zealand Te Papa Tongarewa , 2011-0046-1/A-N à N-N.

 

Un amalgame qui se retrouve dans le reste de l’exposition. Un peu plus loin, en effet, on voit comment les peuples du Pacifique ont pu échanger entre eux, avec des objets de prestige d’une grande technicité pour former des alliances, ou comment s’est opéré le contact avec les Européens. « Il y a eu un renouvellement constant de ces relations et des formes de ces rencontres. Cela se retrouve dans l’art, avec une Vierge à l’enfant version maori, un bouclier rituel avec un super héros dessiné dessus, des crucifix… », décrit Stéphanie Leclerc-Caffarel. Il y a même des objets entièrement nouveaux, comme ce drapeau tissé par un collectif de chefs maoris en symbole de souveraineté et reprenant un motif chrétien. Ou ce film en format panoramique, In pursuit of Venus (infected) de Lisa Reihana, réalisé entre 2015 et 2017.

« In Pursuit of Venus [infected] », 2015–17 (detail).Auckland Art Gallery Toi o Tāmaki, Don des Patrons de la Auckland Art Gallery, 2014

La réalisatrice s’est réappropriée l’imagerie de l’Océanie vue par les Européens, en y distillant les effets pervers que ces rencontres avec le vieux continent ont pu produire sur ces populations du Pacifique, avec l’introduction de maladies sexuellement transmissibles ou de maladies infectieuses. C’est toute la mémoire du passé qui est touchée, comme le montre la dernière salle, avec une thématique liée à l’exercice de mémoire et les pratiques funéraires. « On se souvient de ce que l’on a perdu, mais on continue d’avancer ». Une note à la fois mélancolique et positive, pour une exposition qui se révèle être un voyage intérieur avant tout.

« Kehe tau hauaga foou (To all new arrivals) », Auckland Art Gallery Toi o Tāmaki, Don des Patrons de la Auckland Art Gallery, 2007.