Vasarely, sous toutes les facettes 

Vasarely, sous toutes les facettes 
"Arny (Ombre)", 1967 – 1968, © Service de la documentation photographique du MNAM - Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP, © Adagp, Paris.
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Le Centre Pompidou propose jusqu’au 6 mai une grande rétrospective intitulée Victor Vasarely le partage des formes 1907- 1996. Présentée de manière chronologique, cette exposition couvre l’ensemble de la carrière de l’artiste. Les commissaires d’exposition Michel Gauthier et Arnauld Pierre ont choisi d’aborder son travail sous toutes ses facettes, montrant à la fois des peintures, des sculptures, des maquettes architecturales, des publicités et des produits dérivés. Ils respectent ainsi la volonté de Vasarely qui s’était lancé dans une entreprise radicale de sécularisation de l’art.

Après de courtes études de médecine, Vasarely s’inscrit en effet à l’école Moholy de Budapest qui s’emploie, comme l’école du Bauhaus dont elle s’inspire, à démocratiser l’art. De cet enseignement, qui fait une place égale aux arts plastiques et aux arts appliqués, Vasarely retient la volonté de s’inscrire dans des modes de conception et de production permettant une large diffusion d’un art compréhensible par le plus grand nombre.

C’est aussi dans cette école qu’il étudie les arts graphiques et la publicité avant d’immigrer à Paris en 1927 pour devenir illustrateur publicitaire. Il a 21 ans et son talent de graphiste est très vite reconnu. Il crée son atelier, engage des employés et se consacre à sa recherche artistique. Les œuvres de cette époque sont nourries des avant-gardes de l’Europe de l’Est, inspirées du constructivisme et du suprématisme. Dans les années 1930, il conçoit la série Zèbres dont certains tableaux sont présentés dans l’exposition. Ces toiles mêlent figuration et lignes abstraites et annoncent les formes optico-cinétiques qui rendront Vasarely célèbre. Mais c’est seulement à la fin des années 1940 qu’il se dirige vers l’abstraction totale bien qu’il s’inspire d’éléments naturels ou architecturaux.

« Zèbres », 1939 / 1943, © Hervé Véronèse – Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP, © Adagp, Paris.

 

En 1948, il visite Gordes en Provence et se rend compte que les jeux d’ombres et de lumières sur l’architecture angulaire du site déstabilisent la vision. Cette découverte est capitale pour le développement de son œuvre. Vasarely s’applique à étudier ces effets sur le cristal et produit la série Gordes-Cristal dont plusieurs tableaux sont montrés dans l’exposition. Peu après, il réduit son langage pictural au noir et blanc et met au point un vocabulaire d’ondes et de particules. L’exposition réunit quelques tableaux de cette période des années 1950. Vibrants ou clignotants, ils témoignent de l’invention de l’art cinétique. L’exposition Le mouvement qui se tient cinq ans plus tard à la galerie Denise René l’atteste. Parmi toutes les œuvres exposées, seules celles de Vasarely ne sont ni des mobiles, ni des œuvres déclenchées mécaniquement ; le mouvement est créé par le spectateur qui les regarde. Cette exposition aura une grande répercussion en Europe et participera à la reconnaissance de Vasarely comme l’inventeur de l’art cinétique qui sera nommé op art dans la décennie suivante. Au début des années 1960, l’artiste se lance dans la création d’un « alphabet plastique » fondé à partir de six formes géométriques simples qu’il incruste systématiquement dans des carrés de couleur pure qu’il appelle des « unités plastiques ». Par ce jeu de combinaisons de formes et de couleurs presque infinies, il souhaite créer un langage visuel universel. Petit à petit, il enrichit son langage, ajoutant des teintes intermédiaires pour produire des dégradés plus souples.

« Re.Na II A », 1968, © Bertrand Prévost – Centre Pompidou, MNAM-CCI /Dist. RMN-GP, © Adagp, Paris.

 

A la fin des années 1960, Vasarely s’engage dans la culture populaire. Il produit des posters à grand tirage, réalise des images pour des pochettes de disques (comme Space Oddity de David Bowie) ou des couvertures de livres de poche, des logos pour des marques (dont celui de l’entreprise Renault) mais aussi des décors pour des plateaux de télévision ou de cinéma (Peur sur la ville). Vasarely s’essaie aussi aux œuvres monumentales, décorant entre autres la façade de la radio RTL et le hall de la gare Montparnasse. L’exposition présente ces intégrations architecturales à travers une série de diaporamas. Sensible à son époque, Vasarely crée dans les années 1970 ses dernières œuvres qui témoignent de son attrait pour la science-fiction. L’exposition présente quelques-uns de ces tableaux cosmiques comme « signaux des mondes » ou « métagalaxies ».

« Logo Renault », 1972, © Fabrice Lepeltier © Adagp, Paris, 2018.

 

Cependant, l’intégration de son œuvre au « folklore planétaire » comme il le nommait a pour conséquence de l’associer à cette époque des Trente Glorieuses. Au début des années 1980, cette esthétique semble dépassée. On accuse également l’homme d’avoir été récupéré par la publicité. Le mérite de cette exposition est de rappeler que cette utilisation des moyens de masse correspond en fait à sa première formation. Si Vasarely est surtout connu comme le père fondateur de l’op art, reconnu pour avoir anticipé l’esthétique numérique, il est surtout l’un des premiers artistes à avoir donné une ambition industrielle à son art.