La Collection Courtauld s’admire à la Fondation Louis Vuitton

La Collection Courtauld s’admire à la Fondation Louis Vuitton
"Les Joueurs de cartes" de Paul Cézanne. Vers 1892-1896.
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C’est sans doute l’événement artistique de ce début d’année : les chefs d’œuvre de la collection de Samuel Courtauld sont enfin visibles en France. Et c’est à la Fondation Louis Vuitton que l’on peut les admirer jusqu’au 17 juin. De Gauguin à Renoir en passant par Van Gogh et Manet, tous les talents de l’impressionnisme en un seul lieu d’exception.

Il n’y a sans doute que dans les grands musées que vous pourrez voir, en un seul lieu, autant de chefs d’œuvre reconnus internationalement. Et c’est à la Fondation Louis Vuitton que cela se passe et qui célèbre en fanfare ses quatre années d’ouverture. Cinq millions de visiteurs se sont déjà pressés en ses murs (dont 700 000 rien que pour sa dernière exposition consacrée à Basquiat et Schiele), bien plus que dans les prévisions initiales. Douze expositions d’art majeures ont déjà été organisées depuis son ouverture, dont sept consacrées à l’art contemporain. Sans compter les activités « Hors les murs », où la Fondation présente pièces et artistes un peu partout à travers le monde. Et 2019 se poursuit sur cette lancée, avec une année dédiée à la fois à l’art contemporain et à ses racines historiques de l’art moderne. Deux expositions sont ainsi présentées au public en même temps : la Collection de la Fondation, exclusivement consacrée à 23 artistes contemporains, avec 79 œuvres jamais ou rarement montrées au public et une autre consacrée aux grands artistes du début du XXe siècle, la Collection Courtauld.

« Un bar aux Folies Bergères » d’Edouard Manet. 1882.

 

Un couple de collectionneurs. « Nous sommes très fiers et émus de recevoir autant de chefs d’œuvre, des tableaux connus de tous, issus de cette collection constituée par Samuel Courtauld, un immense industriel dans le monde du textile » introduit Suzanne Pagé, commissaire générale de l’exposition. Il est vrai que si les tableaux présentés ici sont célèbres pour le grand public (même s’il n’a pas souvent l’occasion de les voir présentés), la collection en elle-même est assez méconnue dans son ensemble. « C’était le choix d’un couple, suivant leurs convictions. Elizabeth a introduit l’art moderne chez eux, avec un tableau de Renoir et elle avait un intérêt tout particulier pour la musique. Quant à Samuel, il était également poète et un penseur très engagé », poursuit la commissaire. Les critères de sélection des tableaux qu’ils achetaient étaient donc sensibles, suivant un élan, même s’ils ont aussi bénéficié de conseils judicieux. « Le couple était indépendant d’esprit et se heurtait parfois aux goûts de l’époque, d’où la création d’un fonds à la National Gallery pour introduire subtilement tous ces artistes français du courant impressionniste ». Ces derniers, Cézanne en tête, étaient rejetés en Grande-Bretagne, aucun musée n’en possédait, avant que ce fonds d’œuvres ne puisse permettre au public anglais de les découvrir réellement. « Ils avaient une très haute conception du pouvoir spirituel de l’art et l’envie de le partager au plus grand nombre ». Ce qui est chose faite actuellement à la Fondation Louis Vuitton.

« La Montagne Sainte-Victoire au grand pin » de Paul Cézanne. 1887.

Des œuvres éternelles. « L’art est universel et éternel ; il relie les hommes entre eux, au-delà des époques. Il dépasse les divisions et unit les hommes en quête vivante et universelle, désintéressée », disait Samuel Courtauld. Et c’est ce que cette exposition donne à voir, dans un parcours matérialisé de manière chronologique au grès des achats du couple Courtauld. La recherche perpétuelle d’artistes pour faire avancer leur travail. C’est l’éclosion d’un courant, mais aussi de renommées, même si certaines se feront tardivement ou à titre posthume. La première salle est consacrée à Edouard Manet dont on retrouve Un bar aux Folies Bergères ou une esquisse de son Déjeuner sur l’herbe. Salle suivante, c’est Monet qui est mis en avant (notamment avec La Gare Saint-Lazare ou Antibes), ainsi que Renoir (La Loge) ou Degas (Après le bain) ou Pissarro.

« La Loge » de Pierre-Auguste Renoir. 1874.

 

La troisième salle est entièrement consacrée à Georges Seurat, un des artistes préférés de Courtauld et sa technique du pointillisme que l’on retrouve dans le tableau Jeune femme se poudrant ou Le Pont de Courbevoie. La salle suivante fait la part belle aux dessins qu’affectionnait le collectionneur, notamment de maîtres tels que Degas, Manet, Matisse, Picasso Toulouse-Lautrec ou Van Gogh.

« Jeune femme se poudrant » de Georges Seurat. 1889.

 

Son peintre préféré, Paul Cézanne, dispose lui aussi de sa propre salle, où sont présentées des œuvres telles que Les Joueurs de cartes ou La Montagne Sainte-Victoire au Grand Pin. Dans l’avant-dernière salle, c’est Gauguin et Van Gogh qui ont les honneurs, l’un avec les tableaux Nevermore ou Te Rerioa réalisés à Tahiti, l’autre avec son célèbre Autoportrait à l’oreille bandée (premier des deux autoportraits peints par l’artiste et qui fait toujours son petit effet) ou encore Champ de blé avec des cyprès.

« Nevermore » de Paul Gauguin. 1897.

 

Au plus près de Samuel Courtauld. « Dans la dernière salle, nous avons reconstitué son salon, afin que l’on puisse ressentir l’atmosphère qu’il y avait dans la maison des époux Courtauld » souligne Suzanne Pagé. On entrevoit ainsi comment les deux collectionneurs vivaient au milieu de leurs œuvres. Au décès d’Elizabeth, Samuel a cessé de collectionné et a fait don de sa collection à un institut.  « Un projet généreux visant à former les acheteurs et conservateurs de musées à l’art impressionniste et surtout un projet philanthropique qui est devenu un véritable modèle et une légende ». On peut également découvrir des aquarelles de William Turner qui appartenaient au frère de Samuel, Stephen Courtauld, dont Dawn after the Wreck avec ce petit chien déchirant qui hurle sur la plage ou Crook of Lune, looking towards Hornby Castle.

« Dawn after the Wreck » de William Turner. 1841.

 

Une collection rare et mythique qui n’avait plus été vue en France depuis plus de soixante ans, après avoir été présentée à l’Orangerie en 1955. « C’est un moment de grâce » conclut Suzanne Pagé. Et elle a bien raison.

« Autoportrait à l’oreille coupée » de Vincent van Gogh. 1889.