Des « Trésors de Kyoto » au musée Cernuschi

Des « Trésors de Kyoto » au musée Cernuschi
"Fleurs et plantes des douze mois", par Sekka.
À voir

Jusqu’au 27 janvier 2019, le musée Cernuschi propose une plongée délicate dans le Japon du 17e au 20e siècle, avec une exposition rare et fragile, Les Trésors de Kyoto, trois siècles de création Rinpa. L’occasion de découvrir des artistes dont les œuvres sont parfois présentées en Occident pour la première (et dernière ?) fois.

A chaque fois que l’on pénètre au musée Cernuschi, c’est toujours la même impression. Celle d’une dichotomie entre l’hôtel particulier originel du donateur Henri Cernuschi, cossu et monumental et les œuvres délicates qu’il contient, toutes dédiées aux arts asiatiques. Plus de 12 000 objets chinois, japonais, vietnamiens ou coréens s’y côtoient, faisant du musée l’un des plus importants d’Europe en termes d’art d’Extrême-Orient. Chaque année, des expositions temporaires viennent enrichir le musée de nouvelles merveilles et celle qui vient de commencer en est la parfaite incarnation. Jusqu’au 27 janvier 2019, il est ainsi possible d’admirer les Trésors de Kyoto, trois siècles de création Rinpa, dévoilés en Europe pour la toute première fois. Si l’on s’est déjà rendu à Kyoto, c’est un régal que de retrouver panneaux en papier, estampes, paravents et porcelaines, qui impressionnent à chaque temple visité. Si ce n’est pas le cas, le musée Cernuschi y pallie, en présentant ici une collection d’objets aussi esthétiques et ciselés que fascinants, consacrés à l’art Rinpa. Un événement qui intervient alors que l’on célèbre actuellement les 160 ans des relations diplomatiques entre le Japon et la France.

« Cerisiers en fleurs à Yoshino », par Shiko.

 

Une exposition fragile. L’école Rinpa a été officiellement créée à Kyoto à la fin du 19e siècle. Dans cette école picturale, les artistes sont unis entre affinités spirituelles et non vis-à-vis d’un maître comme cela se faisait traditionnellement. Ils suivent ainsi un mouvement initié au début du 17e siècle par deux artistes de renom, Hon’ami Koetsu et Tawaraya Sotatsu, bientôt suivis par les frères Ogata et Kenzan Korin. Ces premiers artistes de ce nouveau courant se retrouvent dans la première salle de l’exposition, qui présente notamment une œuvre rare, un trésor national nippon, Dieux du vent et du tonnerre de Sotatsu, une paire de paravents à deux panneaux, à l’encre et à la feuille d’or, conservée normalement au temple Kennin-ji. Il ne sera d’ailleurs visible que lors des quatre premières semaines de l’exposition, tant il est fragile.

« Dieux du vent et du tonnerre », par Sotatsu.

 

Une œuvre qui témoigne du raffinement du courant décoratif Rinpa, qui correspondait à l’époque aux demandes artistiques de la Cour impériale. On y retrouve les thèmes classiques de cette période, ceux du style des Yamato-e, comme les fleurs et les plantes (au fil des saisons), des références littéraires ou théâtrales, avec à chaque fois, l’utilisation de la feuille d’or ou d’argent. La première salle, présentant ces premières œuvres, sera en constante évolution, puisque les trois paravents présentés seront régulièrement changés afin de préserver leur état de conservation.

Un art en constante évolution. Dans la seconde salle, on s’intéresse aux frères Korin et à leur importance dans le mouvement Rinpa. Car ils apportent tous deux un nouvel élan à ce style décoratif, avec des compositions plus épurées, plus colorées, aussi, comme en témoignent les paravents Mont Fuji et Vagues à Matsushima, à l’encre et à la feuille d’or. On peut d’ailleurs découvrir la technique de ces artistes, mais aussi de tous ceux du courant Rinpa, dans une petite alcôve présentant tout ce qui fait un atelier d’artiste japonais, avec ustensiles et vidéo explicative sur la fabrication de la feuille d’or, indispensable à la réussite de ces œuvres.

« Le poète chinois », par Korun.

 

La troisième salle présente ainsi le renouvellement du courant Rinpa à travers les frères Korin, mais aussi des artistes tels que Watanabe Shiko, admirateur de Korin, Fukae Roshu dont la plupart des œuvres ont malheureusement disparu et Nakamura Hochu qui présente une nouvelle technique, le tarashikomi, qui applique l’encre ou les pigments sur une surface humide, ce qui a pour effet de créer un rendu flou. Ce dernier peignait également avec ses doigts et ses ongles, sans usage du pinceau. Ces artistes reprennent cependant les thèmes Rinpa, tout en leur apportant une toute autre dimension, comme le paravent à six panneaux Oiseau sur un prunier blanc de Hochu.

« Oiseau sur une branche de prunier » par Hochu.

 

Le renouveau du courant Rinpa. Dans la dernière partie de l’exposition, on découvre les derniers héritiers du style Rinpa, qui n’ont eu de cesse que de le faire évoluer. Il y a tout d’abord Kamisaka Sekka dont le sublime rouleau vertical La Sorcière Yamanba en est un exemple frappant, dans cette représentation d’une figure du théâtre nô, ou le paravent Fleurs et plantes des quatre saisons, qui suit le déroulement des quatre saisons non pas de droite à gauche comme traditionnellement, mais dans le sens inverse. Il emprunte ainsi les grands thèmes du courant Rinpa, ses techniques et matériaux (notamment précieux), tout en le modernisant. Qui sait si le 21e siècle apportera à son tour une nouvelle variante de ce courant, entre tradition et ère contemporaine…

« Fleurs et herbes des quatre saisons », par Sekka.

 

Musée Cernuschi, 7 avenue Velasquez 75008 Paris.