Mathieu Dufois, lauréat du prix Art [ ] Collector 2019

Mathieu Dufois, lauréat du prix Art [ ] Collector 2019
Ni foudroyée, © Mathieu Dufois, courtesy La Galerie Particulière.
Personnalités  -   Artistes

A l’initiative du couple de collectionneurs Evelyne et Jacques Deret, le collectif  Art [ ] Collector regroupe des collectionneurs engagés dans le soutien aux artistes français. Depuis 2011, il décerne chaque année un prix à l’artiste dont il souhaite promouvoir le travail. Le lauréat 2019 est Mathieu Dufois, l’occasion de découvrir ou de redécouvrir son œuvre singulière.

Le travail de Mathieu Dufois est en effet surprenant dans le paysage artistique contemporain.
En noir et blanc, réalisés à la pierre noire (matériau employé surtout à la Renaissance), ses dessins sur papier reprennent des images issues de films cultes des années 1960 ou de films souvenirs tournés en Super 8, mais aussi de photographies d’archives ou d’images  inspirées de romans noirs prises de nuit dans des lieux inhabités. De par ces images datées mises en scène par un procédé ancien, la démarche de Mathieu Dufois pourrait sembler désuète ; elle est pourtant bien actuelle puisqu’il s’agit d’interroger la force des images au-delà de leur environnement.

Réinterprétés, ces arrêts sur image qui correspondent souvent à des moments de tension évoquent des scènes dont on ne parvient plus à saisir le sens. Coupées de leurs contextes d’origine, elles laissent place à l’interprétation subjective. Entre remémoration et fantasme, les images questionnent la relation entre la copie et l’original. L’usage de la pierre noire produit des dessins floutés qui renvoient aux limites de la mémoire. Mais plus que d’interroger notre rapport aux images, l’œuvre questionne leurs relations à la réalité. « Que peut-on enregistrer du réel ? » est le problème qui anime l’artiste, lui qui a débuté sa carrière en réalisant des portraits d’accusés pour les journaux locaux. Pour Mathieu Dufois, toute représentation est d’abord une imitation partiale de la réalité. La réappropriation d’images privées ou publiques rend visible leur fabrication inobjective.

Ce monde de faux-semblants Mathieu Dufois l’aborde également par le biais de courts métrages. Ici, les décors sont des maquettes réalisées par l’artiste et les acteurs des figures découpées dans ses dessins. Une mise en scène du fac-similé appuyée par le choix des protagonistes issus de la fiction mais aussi des décors : une salle de cinéma, un plateau de tournage ou la réserve d’un musée, lieux d’illusions que l’artiste retranscrit avec un sens aigu de la composition. Dans ses vidéos aussi, Mathieu Dufois emploie des procédés anciens ; il utilise de vieux appareils de cinéma ou de photographie et travaille à partir de sons et voix enregistrés au phonographe.

La Harde – 02, © Mathieu Dufois, courtesy La Galerie Particulière.

 

En combinant au sein de ses propres dessins des photographies, des vidéos et des sons récupérés, l’artiste opère un recyclage du passé. A travers ses scénarios, il redonne vie aux acteurs et aux lieux désormais disparus. Des personnes et des espaces tout aussi fictifs que ceux d’hier car pour Mathieu Dufois le monde est un théâtre permanent. Ces fragments mémoriels produisent un nouveau récit, entre mémoire collective et interprétation subjective. Une histoire dont on perd le sens et à laquelle on assiste dans une position de voyeur comme l’illustre la pierre noire qui laisse le spectateur dans la pénombre.

C’est donc un travail riche de questionnement que l’artiste de 34 ans pourra montrer lors d’une exposition personnelle au Patio Opéra de Paris en septembre 2019. Cette manifestation réunira ses toutes dernières créations présentées par La Galerie Particulière (Paris – Bruxelles) qui le représente et des pièces plus anciennes prêtées par ses collectionneurs. Organisée par le collectif Art [ ] Collector, cette exposition sera accompagnée de l’édition d’un catalogue.