Exposition « Gustave Moreau, Vers le songe et l’abstrait »

Exposition « Gustave Moreau, Vers le songe et l’abstrait »
Gustave Moreau - "La Tentation de Saint-Antoine".
À voir

Le Musée Gustave Moreau présente une nouvelle exposition qui montre une version inédite ou peu connue du peintre, à travers des ébauches et des oeuvres que l’on pourrait qualifier d’abstraites. Gustave Moreau était-il le précurseur de ce courant ?

Se rendre au Musée Gustave Moreau est toujours un plaisir. Car comme le disait lui-même l’artiste, il est sa dernière œuvre, comme l’est le musée Dali de Figueras. Son fonds semble inépuisable, puisqu’il contient pas moins de 25 000 œuvres. Et cette fois, nous avons l’occasion de (re)découvrir le peintre autrement, tel qu’on ne l’avait jamais vu, ou presque, à travers l’exposition Vers le songe et l’abstrait, présentée jusqu’au 21 janvier prochain. « Elle était en germe depuis plusieurs années, nous voulions aborder la question de l’abstraction chez Gustave Moreau » précise Marie-Cécile Forest, directrice du musée. En effet, le fonds possède une centaine des peintures de l’artiste et 430 de ses essais de couleurs sont de type non figuratif, ce qui était particulièrement surprenant pour l’époque. « Avant 1950, ces œuvres étaient considérées comme des ébauches. Mais après 1950, on a considéré Gustave Moreau comme le précurseur des surréalistes, des peintres de l’abstraction », ajoute la directrice. C’est ainsi que l’exposition majeure Antagonismes en 1960, au Musée des Arts Décoratifs de Paris, présentait 15 de ces peintures comme une source historique de l’abstraction. L’année suivante, en 1961, une autre exposition, au Moma à New York, montrait au grand public, certaines des peintures dites abstraites de Gustave Moreau, réinterrogeant en parallèle son statut dans l’abstraction. Paul Jenkins le considérait d’ailleurs comme le grand-père du surréalisme, tandis que dans un de ses articles de 1955, André Masson disait de Gustave Moreau qu’il était le père de ce courant. Au public de 2018 de se faire sa propre opinion…

Gustave Moreau – « Ebauche Cat. 1152 ».

 

Les premiers germes de l’abstraction. Pour cette exposition, on retrouve ainsi une centaine d’œuvres de Gustave Moreau et seulement trois ne sont pas de lui. Le peintre s’était lui-même exprimé sur l’abstraction dans certains de ses écrits, où le mot apparaît onze fois, même si pour lui, la signification était différente de celle d’aujourd’hui. « Elle avait alors le sens de la transcendance, d’au-delà, du songe, de la pure plastique. Le hasard était pour lui source de création » explique Marie-Cécile Forest. Il s’auto-proclamait d’ailleurs « ouvrier assembleur de rêves ». Et les œuvres que l’on découvre sur les deux étages du musée en sont le parfait exemple.

Gustave Moreau – « Le Triomphe d’Alexandre ».

 

La première salle présente l’idée de l’abstraction chez Gustave Moreau, avec des œuvres non-encadrées, présentées telles qu’elles se trouvaient en réserve, proposées de manière brute au regard du visiteur. On s’intéresse ainsi au processus créatif de l’artiste. L’œuvre majeure de cette salle, c’est Le Triomphe d’Alexandre, pièce-maîtresse réalisée entre 1874 et 1890, structurée par la couleur. C’est de cette base que Gustave Moreau rajoutait une multitude de détails. Il avait inventé une technique particulière de peindre, à l’opposé de ses contemporains, interrogeant sans cesse la ligne et la forme, pour échapper au réalisme. Il disait d’ailleurs « Bien établir, avant de commencer une toile, le mode de valeurs et de colorations ».

Dans cette même salle, on retrouve plusieurs œuvres issues du « Placard aux abstraits », pièce où l’on trouva 22 tableaux figuratifs qui ne sont pas datés. « Nous n’avons pu en avoir qu’une estimation lors de la restauration de leurs cadres ». 

Gustave Moreau – « Palette d’aquarelle ».

 

Œuvres ou brouillons ? Au premier étage, deux vitrines présentent son matériel, gouaches, aquarelles et huiles et on s’intéressera à une quinzaine d’œuvres sur papier, réalisées dans les années 1880, qui lui servaient d’essais avec des annotations (parfois relevant simplement de l’anecdote, des messages laissés à sa mère) et des références à des œuvres en cours. Certains de ces essais ont été retravaillés par Moreau qui il les a signés et encadrés par la suite. On découvre également cinq « ébauches » sur fond d’encadrement, achevées ou préparatoires, qui ont pour particularité d’avoir pour fond, un carton bleu. Elles donnent l’impression de peintures marines, comme ce Plantes marines pour « Galatée », ébauche que l’on retrouvera terminée dans le Galatée présentée au Musée d’Orsay. Un peu plus loin, tout un espace est dédié à des esquisses de futurs tableaux célèbres de Moreau. Des cartons représentant les œuvres achevées ont ainsi été mises en relation avec ces « brouillons », ce travail de recherche, montrant que l’artiste travaillait sa surface de manière très libre. « Il faut avoir l’imagination de la couleur et de la matière » disait-il.

 

Gustave Moreau – « Ebauche. Plantes marines pour Galatée ».

 

On en a la représentation au deuxième étage, après avoir emprunté son célèbre escalier en colimaçon, avec une mise en avant des paysages du peintre, omniprésents dans ses œuvres. Ici, on a des fonds de ces fameux paysages, où l’on peut entrevoir le traitement de l’espace qu’il faisait pour les composer, souvent en verticale. « Ce n’est pas un paysage réaliste, mais issu de son imagination, ce n’est qu’un cadre pour le sujet de la peinture », souligne la directrice du musée. D’autres ébauches, en revanche, montrent des fonds de scènes d’intérieur, moins nombreuses, aux formes plus géométriques. On ressort ainsi de l’exposition avec des pistes de réflexions sur le travail de Gustave Moreau, plutôt qu’en en ayant des éléments de réponse. Il gardera ses mystères encore bien longtemps…

Gustave Moreau – « Intérieur Ebauche cat 857 ».