Le meurtre comme œuvre d’art pour Lars Von Trier

Le meurtre comme œuvre d’art pour Lars Von Trier
"The House that Jack built".
À voir

C’était le scandale de la Croisette, lors du dernier festival de Cannes, la projection du dernier (au sens propre, selon les aveux du réalisateur) long-métrage de Lars Von Trier, The House that Jack built. Une œuvre testamentaire et crépusculaire, mais non dénuée d’humour noir, du metteur en scène danois qui narre les atermoiements de Jack, un tueur en série, pendant le long chemin qui le mène aux Enfers. Il est guidé par Virgile en personne, à qui il confie son histoire en cinq chapitres. Mais ce qui surprend dans ce film, c’est l’analogie que fait ce personnage infâme entre ses crimes et l’art. Car pour lui, la manière dont il conceptualise ses meurtres, de la préparation de ces derniers à leur finalité une fois la sentence appliquée (photographies, natures mortes…), relève purement et simplement de l’art.

« La Barque de Dante » d’Eugène Delacroix.

 

Et Lars Von Trier, avec toute la provocation qui est la sienne, d’étayer son propos, à travers une série d’images dérangeantes (taxidermie humaine, maison bâtie avec des corps rigidifiés) qui rappelle des expositions d’art contemporain qui ont également choqué le public en leur temps (sculptures réalistes de Patricia Piccinini ou Ron Mueck, mise en scène d’écorchés dans Our body), sous fond d’images d’archives de Glenn Gould en train de composer fébrilement. Des peintures reflétant les Enfers étayent les propos du narrateur, tandis qu’il s’y rend en traversant le Styx sur une embarcation de fortune, jonchée de corps dénudés. Une image qui rappelle le tableau de Delacroix, La Barque de Dante, avec cette fois-ci, Dante qui est conduit aux Enfers par Virgile. La boucle semble bouclée et Von Trier, fasciné par l’art, livre ici un film qui fera date, tant il est allé au bout de ses idées, ayant tout dit et tout donné. Actuellement en salles.