Rencontre avec Marion Charlet, lauréate Art Collector 2018

Rencontre avec Marion Charlet, lauréate Art Collector 2018
Personnalités  -   Artistes

Le Comité de sélection Art Collector a choisi Marion Charlet pour être la 12e lauréate de son programme qui vise à promouvoir des artistes français émergents. Un projet philanthropique créé par des collectionneurs dont bénéficie cette année Marion Charlet, qui expose ses peintures figuratives au Studio Le Patio à Paris jusqu’au 6 octobre. Rencontre avec une lauréate heureuse.  

Quel est votre parcours ?

J’ai d’abord fait une école de graphisme. Là, j’ai rencontré un artiste, Stéphane Calais, qui était mon professeur de dessin expérimental et qui m’a poussé à me présenter aux Beaux-Arts. Je suis allée à Nice, à la Villa Arson, sans savoir où je mettais les pieds exactement, mais je m’y suis beaucoup plu. J’en ai profité pour faire un échange Erasmus avec le Chelsea College of Art and Design, à Londres, qui m’a énormément apporté. Je suis partie à Paris où je suis restée deux ans, puis Bruxelles pendant quatre ans et je suis de retour à Paris depuis deux ans.

Philippe Piguet, Evelyne Deret, Marion Charlet et Jacques Deret.
© Art Collector

 

Peigniez-vous déjà avant d’intégrer les Beaux-Arts ?

Oui, j’ai toujours peint. Je suis issue d’une famille qui peint beaucoup, essentiellement pour le plaisir. Elle m’a toujours emmené dans des musées, des fondations, à la découverte d’artistes. Je ne pensais pas à en faire une carrière un jour. J’ai eu le déclic par hasard. Je faisais alors des études de droit et j’ai vu dans le métro des personnes qui tenaient un carton à dessins et j’ai eu envie de faire de l’art à mon tour. A partir de ce moment, je ne voulais plus faire que ça.

Comment qualifieriez-vous votre style ?

C’est difficile d’aborder de son propre style. On peut parler de peinture figurative, même s’il n’y a pas de figure à proprement parler dans mon travail. J’ai l’impression d’appartenir à la famille de peintres anglais comme David Hockney, qui remet en question tout ce qui concerne la perspective, avec une dimension cinématographique. Je me sens proche de ce genre de peinture, qui provoque des émotions directes, qui peut parler au maximum de personnes, initiées ou non à l’art. Ce sont pourtant les peintres allemands des années 1980 qui me fascinaient au début, comme celles d’Albert Oehlen, très libres, sans complexes à peindre, avec des couleurs très brutes et primaires.

« Inner Space VII » de Marion Charlet.

 

Dans vos peintures, il y a plein d’éléments qui montrent que l’homme est présent. Pourtant, il semble totalement absent…

En effet, ce ne sont pas des peintures qui montrent l’abandon, car il y a des traces d’humanité, des silhouettes d’oiseaux qui volent, des traces de pas… C’est important pour moi, à l’étape actuelle de mon travail, que le regardeur soit l’acteur de son propre rêve, de sa propre réalité fantasmée. C’est pour ça que je donne l’impression que l’on peut sortir du cadre, aller vers un autre horizon, exotique ou non, même si ce dernier ne permet pas une fuite énorme.

Un panel des dernières oeuvres de Marion Charlet.

 

Connaissiez-vous auparavant le programme Art Collector ?

Oui et j’étais très intéressée par les artistes qui ont exposé ici avant moi. Evelyne et Jacques Deret, les créateurs d’Art Collector, étaient venus me voir pour m’en parler, le principe étant d’être collectionné par au moins un membre du jury, composé d’une dizaine de personnes. Ils m’avaient proposé de participer à cette aventure l’année dernière. Quand on est choisi en tant que lauréat (on ne postule pas soi-même, on est invité par un membre du comité à monter son dossier), on est suivi par eux sur toute une année, avec des échanges, un accompagnement. On nous offre la possibilité d’exposer dans ce lieu, le Studio Le Patio, qui est très différent d’une galerie traditionnelle, un lieu superbe, magique, en plein Paris, près de l’Opéra Garnier. Il y a un gros travail de communication, des rencontres avec de grands acteurs de l’art contemporain avec qui je travaillerai peut-être un jour… Et on nous permet de constituer notre premier catalogue, que l’on pourra présenter à de futurs collectionneurs et de choisir notre propre commissaire d’exposition. J’ai décidé ainsi de travailler avec Philippe Piguet, pour cette exposition Art Collector. Cette dernière est composée d’œuvres déjà collectionnées, il y en a quatre ici et d’autres qui sont disponibles pour la collection, que j’ai faites cette année. Ca donne un état des lieux de mon travail. Dans mon cas, il va de 2014 à nos jours.

En monochrome…

 

L’historien en art Constatin Chariot parle, pour votre œuvre, d’un univers à la Twin Peaks, Qu’en pensez-vous ?

Je donne au regardeur une grande part à sa propre interprétation. Je trouve ça toujours intéressant de voir s’il se retrouve dans un rêve ou non. Certains ne supportent pas l’idée de se retrouver enfermés dans un univers très superficiel, avec des couleurs presque californiennes… En tout cas, ça ne me dérange pas qu’on compare mon travail à Twin Peaks, j’aime le cinéma, j’ai très envie d’aller vers quelque chose de plus horizontal, plus cinématographique.

Il parle aussi de paradis abandonnés…

C’est exactement ça pour mes peintures dont la palette est beaucoup plus réchauffée. On est presque dans un Eden un peu concentrationnaire, car on ne pourra jamais vraiment en sortir. Il y a cependant quand même quelque part une porte de sortie, dans un endroit du tableau légèrement moins brossée et qu’il faut trouver…