Exposition « Giacometti, entre tradition et avant-garde » au Musée Maillol

Exposition « Giacometti, entre tradition et avant-garde » au Musée Maillol
Copyright Sophie Lloyd, pour le Musée Maillol. Les groupes de figures de Giacometti.
À voir

Jusqu’au 20 janvier 2019, en accord avec la Fondation Giacometti, le Musée Maillol propose une nouvelle exposition consacrée au sculpteur, Giacometti, entre tradition et avant-garde. On y retrouve tout ce qui fait la particularité de l’artiste, de ses références à l’idée de les transgresser pour imposer sa propre idée de la représentation humaine et du mouvement.

Le 21 juin dernier, ouvrait dans le quartier de Montparnasse, l’Institut Giacometti, dans le quartier où vivait l’artiste. Un musée à taille humaine créé par la Fondation Giacometti, qui permet au public de découvrir une reconstitution de l’atelier du célèbre sculpteur et quelques-unes de ses œuvres. Mais c’est actuellement au Musée Maillol qu’il faut se rendre pour assister à une nouvelle exposition sur le maître, Giacometti, entre tradition et avant-garde, jusqu’au 20 janvier 2019. L’occasion de s’intéresser aux influences de l’artiste, de Bourdelle son premier enseignant à Ziadkine, en passant par Rodin, Maillol, Laurens et Lipchitz.

Copyright Sophie Lloyd, pour le Musée Maillol.

 

Des débuts classiques aux premières expérimentations. L’exposition commence par le tout premier buste en plâtre réalisé par Alberto Giacometti, à l’âge de 13 ans. Il s’agit d’un portrait de son jeune frère Diego, qui deviendra un de ses modèles fétiches. Des débuts fort prometteurs qui le conduisent à 21 ans, à quitter sa Suisse italienne natale pour Paris, afin de suivre les cours de sculpture d’Antoine Bourdelle. Par son enseignement, le jeune Alberto apprend à sculpter d’après nature, tout en découvrant une approche plus formelle du volume, par le biais de facettes géométriques propres à Bourdelle. Une première approche de l’avant-gardisme qui va questionner le jeune apprenti et le faire aller de plus en plus vers une autre voie que celle instruite par Bourdelle. S’il garde la figure humaine au centre de son œuvre, c’est pour mieux la distordre, comme le font Ossip Ziadkine, Henri Laurens ou Jacques Lipchitz, qu’il va rencontrer. La seconde salle est ainsi consacrée à ces nouveaux modèles, entre figuration et abstraction qui n’auront de cesse de faire écho dans l’œuvre future de Giacometti. Il y ajoute même des touches d’art primitif, comme son bronze Le Couple en témoigne, qui semble inspiré de masques africains à la figure plate. C’est le premier trait d’union entre tradition et avant-garde dans sa carrière et ça ne sera pas le dernier, loin s’en faut.

Copyright Sophie Lloyd, pour le Musée Maillol. « Le Couple », d’Alberto Giacometti (à gauche).

 

Trouver sa voie. Fort de ces premiers essais, Giacometti confirme son intérêt pour la figure humaine. Il fera poser son frère Diego, un modèle professionnel (Rita Gueyfier), puis sa compagne, Annette Arm. Et s’il revient aux formes classiques, comme le faisaient en son temps Bourdelle et Maillol, il garde cette touche d’avant-garde sous-jacente, en faisant poser ses têtes sur des socles, plus proéminents que le sujet en question, multipliant les tailles et variations. Il en fera de même dans les années 1950, quand il se lancera dans des sculptures de groupes de figures. Les corps, filiformes, finissent par se confondre avec les éléments naturels qui les environnent, comme une forêt. Des hommes-troncs en somme, aux têtes minuscules, au mouvement comme suspendu pour l’éternité. On est alors loin des canons de l’époque qui étaient encore inspirés de ce que faisaient de grands noms tels que Maillol ou Renoir en leur temps. 

Copyright Sophie Lloyd, pour le Musée Maillol. Différents bustes signés Giacometti.

 

Le mouvement dans l’immobilité. Dès lors, la figure humaine revêtira cette forme, de la Femme qui marche à la Femme de Venise III, loin de tout réalisme, inspirant à son tour d’autres artistes dans la même mouvance, comme Germaine Richier qui amalgame formes humaines et éléments issus de la nature. Et plus que la figure humaine, c’est l’idée même du mouvement qui prendra toute son ampleur dans son œuvre, dès la fin des années 1940, comme si le déplacement des peuples pendant la Seconde Guerre mondiale lui inspirait l’immobilité dans le mouvement, la stagnation quand on croit avancer. C’est ce dont témoignent les dernières salles, avec le monumental Homme qui marche 88, en plâtre et aux dimensions humaines (plus d’1,88m). L’homme est de plus en plus symbolisé, sans identité, reconnaissable uniquement à ses membres longilignes, même si Giacometti garde en lui une part de tradition, puisqu’il s’inspire toujours des grands maîtres, comme Rodin, qui avait l’art, (comme dans son Saint-Jean-Baptiste de 1880), de donner l’impression d’une propulsion vers l’avant, avec les pieds savamment ancrés dans le sol. A Giacometti désormais d’inspirer bien des artistes et de servir de références pour les générations à venir.

Copyright Sophie Lloyd, pour le Musée Maillol. « Femme qui marche » de Gioacometti.

 

Image de couverture : groupes de figures de Giacometti, par Sophie Lloyd.