E 1027, ou la modernité en bord de mer

E 1027, ou la modernité en bord de mer
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Depuis 2015, sur le littoral enchanteur de Roquebrune Cap-Martin, un site au nom curieux attire les visiteurs : « E 1027 ». Ce nom de code désigne une villa dominant la mer, achevée en 1929, fruit de la collaboration d’Eileen Gray et de Jean Badovici. Eileen Gray fut une artiste complète, aussi influente un temps qu’oubliée ensuite, dont l’itinéraire traversa presque tout le XXe siècle. Originaire d’Irlande, elle vint à Paris dès 1902 et, après s’être essayée à diverses techniques, s’imposa comme l’une des grandes architectes d’intérieur des années 1920-1930. Avec Badovici, elle conçut E 1027 comme un véritable manifeste de la modernité dans l’art de construire et d’habiter. Dégradée, la villa bénéficie désormais des soins de l’association « Cap moderne » pour être restituée en son état originel. Son importance est comparable à celle de la Villa Cavrois, et les nombreux curieux qui profitent de l’ouverture estivale pour la découvrir ne s’y trompent pas.

Les unités de camping de Le Corbusier (façade sud-ouest) © Manuel Bougot

 

Le détour s’impose d’autant plus qu’immédiatement à l’arrière de la villa s’élèvent, colorées, les « unités de camping » de Le Corbusier, qui constituent une tentative d’adapter les doctrines de l’architecte à un habiter saisonnier de loisir. « Corbu » était ici chez lui, puisqu’il avait installé le long du sentier maritime son « Cabanon », que l’on peut aujourd’hui visiter : une cellule de 3,66 m de côté, inspirée des proportions du Modulor. Un peu plus loin, Le Corbusier a aussi marqué de son influence « L’Étoile de mer », une guinguette de plage dont il était un familier – sans compter une peinture murale de sa main dans la villa d’Eileen Gray. Une profonde cohérence unit donc les différentes expériences constructives et décoratives tentées à Roquebrune Cap-Martin entre les années 1920 et 1950. Leur rassemblement en un site protégé, désormais confié au Centre des Monuments nationaux, ainsi que le voisinage d’oeuvres contemporaines, présentées dans les jardins ou à proximité, est un exemple de patrimonialisation réussie des propositions les plus audacieuses du XXe siècle.

La salle de bar de L’Étoile de mer, peintures de Thomas Rebutato
© Manuel Bougot – FLC/ADAGP Paris 2018

 

L’ensemble des sites du « Cap moderne » se visite jusqu’au 31 octobre.