Lire le ciel

Lire le ciel
Thierry Cohen, Villes éteintes, 2021.
À voir

Au sein de cette exposition, curatée par Juliette Bessette et Enguerrand Lascols, à découvrir jusqu’au 5 janvier, au MUCEM, nous découvrons les cultures méditerranéennes dans leur relation au ciel étoilé. La scénographie a été judicieusement pensée par Nathalie Crinière : des ouvertures et des jeux de perspectives créent des échos entre les sections, en réponse aux liens entre les périodes historiques traversées. Les murs sont peints d’un bleu qui s’éclaircit au fur et à mesure du cheminement aux lignes courbes : une atmosphère qui invite à contempler les variations de teintes du ciel étoilé. Les œuvres d’artistes contemporains dialoguent avec les pièces historiques, objets archéologiques, scientifiques et ethnographiques, de différentes époques, des manuscrits et du patrimoine oral. Des vidéos « Vivre avec les astres », entretiens avec des personnes qui ont une relation particulière avec le ciel, ponctuent également la visite et nous offrent une diversité de points de vue, enrichissant la découverte des inventions, objets et propositions artistiques.

De l’Antiquité à nos jours, les astres sont très présents à travers les recherches scientifiques et permettent de se situer dans le temps et selon le cycle des saisons. De superbes objets de mesure, des globes (Globe céleste arabo-coufique, attribué à Ibrâhîm ibn Sa’îd al-Sahlî, issu d’Andalousie, Espagne, du XIe siècle), prêts de différents musées et collections privées, sont mis en relation avec des peintures, qu’on a la chance ici de pouvoir admirer, telles que L’Astronome de Vermeer. Des objets de décorations et de culture populaire sont également présents.

Le parcours est conçu de manière chronologique en privilégiant un point de vue terrestre. Nous découvrons d’abord comment, de l’Antiquité au Moyen Âge, science et astrologie sont reliées. Des objets, des livres (Livre des étoiles fixes [Kitâb suwar al-kawâkib al-tâbita], Iran (?), XVIe siècle, orignal écrit par ‘Abd al-Rahmân al-Ṣûfî en 964), des œuvres témoignent du développement des connaissances à partir du VIIIe siècle dans le monde arabo-musulman. L’observation du ciel étoilé se révèle porteuse de repères… Kometenbuch – Monstera, réalisé à l’encre sur papier marouflé sur toile, d’Abdelkader Benchamma, inspiré du Livre des comètes, un traité du XVIe siècle, entre en résonance avec les dessins anciens, gravures, autres objets de lecture des étoiles. Puis, nous abordons comment les découvertes scientifiques du XVIIe siècle ont permis une nouvelle compréhension des étoiles. Au fil du cheminement proposé, nous prenons conscience que les apparitions célestes nourrissent les cultures populaires. Nous éprouvons aussi du plaisir à contempler L’Étoile du Berger, très belle huile sur toile de Corot. Les figures du soleil et de la lune apparaissent notamment dans les robes du film Peau d’âne, de Jacques Demy : une merveille ! Nombreuses croyances liées aux astres sur l’influence qu’ils pourraient avoir sur les végétaux continuent de circuler de nos jours. Un ensemble d’objets documentant combien l’astrologie a pris place dans la société est aussi présenté. Starlight (X), de Caroline Corbasson, est conçu comme un herbier de fleurs ayant poussé à la lumière des étoiles. Chaque plante est contrecollée sur une planche scientifique ancienne de relevés du ciel, réalisée à partir d’observations conduites dans les observatoires de Marseille et de Paris au XIXe siècle. Le Cabinet du mage Belline, très célèbre dans les années 1960–1970, appartenant aux collections du MUCEM, a été reconstitué pour l’occasion.

Le parcours de l’exposition se termine sur nos liens aux étoiles et sur la nécessité de préserver notre environnement. Dans les villes, la pollution lumineuse est si grande que l’observation des étoiles devient plus difficile. Telle en témoigne la série photographique Villes éteintes de Thierry Cohen, qui met en relation des villes avec des vues de ciel à la même latitude. Un vitrail de Sara Ouhaddou, issu de son travail initié au Maroc autour des étoiles, nous indique une voie vers une autre lumière, également de quelle façon notre perception du ciel peut nous amener à regarder différemment le sol et la biodiversité terrestre.

Cette exposition, d’une grande richesse, nous dévoile autant un panel de connaissances que des œuvres face auxquelles s’émerveiller et nous ouvrir à différentes cultures. S’adressant à toutes et tous, transdisciplinaire, « Lire le ciel » nous incite à nous émerveiller, à nous interroger et à échanger… Le monde céleste est en effet inspirant et source de curiosité.

Cette exposition s’accompagne d’un magnifique catalogue avec de nombreux textes d’éminents spécialistes, historiens, chercheurs, journalistes, artistes…