Avec son projet « The Currency » lancé en 2021, l’artiste britannique Damien Hirst affirmait vouloir explorer les frontières entre l’art et la monnaie. Mais la polémique a éclaté concernant la datation inexacte des œuvres composant ce projet. De quoi interroger les frontières entre l’art et l’argent, qu’il prenne la forme de NFT ou d’espèces sonnantes et trébuchantes.
Le projet
Rappelons tout d’abord ce qu’est le projet « The Currency ». Une œuvre composée de plusieurs éléments matériels et immatériels. Mais surtout œuvre évènementielle prenant son sens par la vente de ces éléments et l’implication des acheteurs.
Pour cette œuvre en effet, Hirst, par l’intermédiaire de sa plateforme d’édition Hirst et Heni, proposait à la vente 10 000 NFT reliés. Chacun était relié à une peinture à l’huile sur papier. Les acheteurs avaient ensuite un an pour choisir. Soit ils conservaient leur jeton numérique, soit ils l’échangeaient contre le tableau réel.
Au total, 5 149 acheteurs ont fait le choix d’échanger leur certificat d’authenticité numérique sont l’oeuvre physique. Puis en septembre 2022, environ un mois plus tard, Hirst brûlait 4 851 peintures d’acheteurs préférant posséder la version numérisée de leur huile sur papier. C’est à la Newport Street Gallery que Hirst a effectué cette performance.
La polémique
Lors du lancement du projet, la plateforme d’édition avait déclaré à plusieurs reprises que les peintures avaient été effectuées à la main en 2016. Et c’est cette date que l’on retrouve au dos des œuvres physiques comme sur leurs photographies.
Cependant, selon des dizaines de peintres employés par Science Ltd pour les réaliser, au moins 1 000 peintures ont été effectuées entre 2018 et 2019. Ce dernier point fait polémique car la cote d’un artiste varie avec les années. La datation inexacte des œuvres pourrait donc avoir des conséquences sur l’évolution de leur prix.
Hirst a déjà revendiqué le droit des artistes à être incohérents dans la datation de leur travail. C’était à l’occasion d’une autre affaire d’anti-datage. À propos de cette affaire, ses avocats ont fait savoir que, si les œuvres en question n’avaient peut-être pas été exécutées en 2016, c’est bien durant cette année-là qu’elles avaient été intellectuellement conçues.
Une vraie question
Ce dernier argument, qui s’appuie sur une compréhension conceptuelle de l’art, est intéressant. Car c’est bien cet horizon qui permet à Hirst de signer des tableaux peints par les employés de sa société. Et c’est également cette perspective qui rend caduque la présence de la main de l’artiste dans l’évaluation du prix de sa production.
Dès lors que ces deux points, attestant de la primauté de l’élaboration intellectuelle sur la réalisation matérielle, sont acceptés, pourquoi ne pas attribuer aux œuvres -si preuve existe- la date de leur conception plutôt que celle de leur achèvement ? C’est la question que pose cette nouvelle polémique.
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