Oliver Stone prépare une série sur le Kazakhstan et choque (encore une fois) l’establishment

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Le réalisateur de Platoon a l’habitude de déplaire. Celui qui a engagé des équipes pour lire « près de deux millions de pages (…) déclassifiées » afin de réaliser le documentaire JFK Revisited n’a que faire de ce que l’on pense de lui et continue à mener sa carrière de cinéaste engagé et anticonformiste. Dernier projet en date : braquer les projecteurs sur le Kazakhstan, pays peu connu, en donnant la parole à son ancien président, Noursoultan Nazarbaïev.

«Je ne ferai jamais un film sur un type qui tue 150 Irakiens»

Passionné de politique, Oliver Stone revisite depuis plus de 40 ans, de manière originale et parfois violente, l’Histoire contemporaine, et notamment celle des Etats-Unis : la mort de Kennedy (JFK, Nixon), la guerre du Vietnam (Platoon, Né un 4 juillet, Entre ciel et terre), les excès du capitalisme financier (Wall Street), de la notoriété (Tueurs nés) ou encore de la lutte antiterroriste (Snowden). Quitte à choquer l’establishment américain comme il l’explique au Figaro : « On m’attaque depuis si longtemps que je m’en fiche. Je suis vieux maintenant. Pour eux, après tous les films que j’ai réalisés, je suis un cinéaste antiaméricain. S’ils savaient comme ils se trompent ! Je suis un patriote. »

Né en 1946 d’une mère française et d’un père américain, Oliver Stone part se battre au Vietnam en 1967, y est blessé plusieurs fois, et développe un regard nuancé et critique sur son pays, qu’il ne cessera d’aiguiser tout le long de sa filmographie, ce qui lui vaudra quatre Oscars. Pourtant, Oliver Stone avoue aujourd’hui avoir du mal à financer ses films. « Clint Eastwood a gagné des fortunes avec ‘American Sniper’ mais je ne ferai jamais un film sur un type qui tue 150 Irakiens sans se poser de questions » affirme-t-il au Figaro. « Ma mère était française, donc je me suis toujours intéressé à ce qui se passait en dehors des Etats-Unis. J’ai beaucoup voyagé, au Vietnam et ailleurs. Je veux connaître le monde, comprendre comment il fonctionne » nuance-t-il dans une interview récente au magazine Première.

« La démocratie fonctionne à peine aux Etats-Unis »

Au point de rencontrer un certain nombre de chefs d’Etat qui ne sont pas en odeur de sainteté aux Etats-Unis : Hugo Chavez, Fidel Castro, et plus récemment Vladimir Poutine. A ce dernier, il consacre « Conversations avec monsieur Poutine », fruit d’une interview de 50 heures avec le chef d’Etat russe. Diffusé sur France 3 le 26 juin 2017, ce documentaire sera suivi d’un débat avec le cinéaste et l’ancien ministre des Affaires étrangères Hubert Védrine, qui dénonce lui aussi une vague antirusse manichéenne et contre-productive en Europe, à la fois pour les relations internationales et pour les intérêts de la France. « C’est un chef d’État, il défend les intérêts de la Russie et ses propres intérêts » concède Oliver Stone à propos de Poutine, dans une émission de télévision face à Stephen Colbert.

Dernière polémique en date pour le réalisateur : avoir interviewé l’ancien président du Kazakhstan, Noursoultan Nazarbaïev, qui a dirigé le pays de 1990 à 2019, afin de réaliser une série documentaire en 8 épisodes : «Qazaq : History of the Golden Man». Les détracteurs d’Oliver Stone accusent déjà le cinéaste de faire de sa série un outil de propagande au service du Kazakhstan et de contribuer au culte de la personnalité de l’ancien chef d’Etat, qui a démissionné de son propre chef avant de confier le pouvoir à Kassym-Jomart Tokayev. Une manœuvre jugée pourtant « impressionnante » par des experts de la région. « Noursoultan Nazarbaïev a créé une tradition du transfert de pouvoir en partant volontairement. C’est quelque chose de prodigieux pour l’Asie centrale » nuance Andreï Souzdaltsev, de la Haute école d’économie de Moscou.

« Donnez-lui le mérite de n’avoir pas transformé son pays en un tas d’ordures comme l’Ukraine »

Contacté par le journal britannique The Guardian, Oliver Stone dit refuser vouloir faire la leçon à un président qui a gouverné une ancienne république soviétique au lendemain de l’effondrement de l’URSS. « Je ne vais pas venir faire la leçon à ces gens sur la façon de diriger leur pays et de gérer une démocratie (…). La démocratie fonctionne à peine aux Etats-Unis ». Précisant sur Twitter que le Kazakhstan a entrepris « l’élimination de son armement nucléaire ».

Adepte de la contradiction, et aussi du franc-parler, le cinéaste s’attache toujours à recontextualiser les pays et les chefs d’Etat auxquels il s’intéresse : « Donnez-lui le mérite d’avoir construit le pays et d’avoir maintenu la paix et de ne pas l’avoir transformé en un tas d’ordures comme l’Ukraine » déclare-t-il à propos de Noursoultan Nazarbaïev. Il faut dire que le cinéaste connaît bien l’Ukraine, pour avoir interviewé l’ancien chef d’Etat Viktor Ianoukovitch (2010-2014) ou encore l’avocat Viktor Medvedchuk. Et de revenir sur sa démarche première de réalisateur : «Je veux suivre mon scénario, et mon scénario était de raconter l’histoire du pays en interviewant le leader».