Virginia Dwan, un pas de plus dans la défense de l’art américain

Virginia Dwan, un pas de plus dans la défense de l’art américain
Personnalités  -   Galeristes

À la suite de Peggy Guggenheim, première galeriste à avoir exposé les expressionnistes abstraits américains tels que Pollock ou Rothko, et de Betty Parsons qui avait poursuivi cette ligne tout en l’ouvrant aux artistes Pop émergents comme Rauschenberg et Johns, Virginia Dwan est une figure majeure de la promotion de l’art américain. Après avoir présenté, elle aussi, des artistes expressionnistes et des créateurs du Pop Art, elle se fait connaître en défendant les jeunes minimalistes et les premières œuvres de Land Art.

Née en 1931 à Minneapolis, elle étudie l’art à l’Université de Californie à Los Angeles. Bien qu’elle abandonne rapidement cette formation, elle reste dans le domaine artistique et ouvre sa première galerie dans la région alors qu’elle est âgée de seulement vingt-huit ans. D’abord installée sur Broxton Avenue à Los Angeles, elle déménage trois ans plus tard dans un espace plus grand situé à proximité. À cette époque, elle s’associe avec le marchand d’art John Weber qui invite certains de ses propres artistes à participer à l’aventure. Ensemble, ils proposent en 1962 une des expositions de Pop Art les plus influentes de la côte ouest My Country « Tis of Thee » regroupant principalement des artistes new-yorkais. Cette même année, Dwan organise la première exposition personnelle de Rauschenberg en Californie et présente ainsi plusieurs de ses Combines (œuvres nommées ainsi par l’artiste en raison de leur caractère hybride, entre peinture et sculpture). En plus du Pop Art et de l’expressionnisme abstrait (elle montre les œuvres d’Ad Reinhardt, de Joan Mitchell et de Franz Kline), Dwan est une amatrice d’art contemporain français. Elle expose notamment Arman, Martial Raysse, Niki de Saint Phalle et Yves Klein.

En 1965, alors qu’elle est âgée de 34 ans, elle confie la direction de la galerie de Los Angeles à Weber pour ouvrir une succursale à New York dans le quartier de Manhattan. C’est l’une des premières galeristes à faire le choix d’être présente sur les deux côtes des États-Unis. Alors que l’espace de Los Angeles est connu pour sa ligne allant de l’expressionnisme abstrait au nouveau réalisme en passant par le Pop Art, la Dwan Gallery de New York accompagne les courants émergents que sont le minimalisme et le Land Art. L’exposition Ten, organisée avec Robert Smithson en 1966, pose ainsi les fondements esthétiques de ce que sera l’art minimal. Y sont exposées des œuvres de Sol LeWitt, Carl Andre, Agnes Martin, Jo Baer, Robert Morris, Robert Smithson, Michael Steiner, Donald Judd, Dan Flavin et Ad Reinhardt. Deux ans plus tard, en 1968, ouvre la légendaire exposition Earthwork consacrée au courant naissant qu’est le Land Art.

Même quand peu de temps après les artistes de ce mouvement manifestent leur volonté de se détacher de l’univers commercial des galeries, Virginia Dwan continue de les accompagner en leur permettant d’accéder à des logements et à des ateliers. Elle les soutient également en finançant en partie leurs projets monumentaux. Elle achète par exemple le terrain dans le Nevada sur lequel Michael Heize crée l’œuvre Double Negative en 1969, subventionne à hauteur de 9 000 $ la pièce Spirale Jetty que Robert Smithson réalise en 1970 au bord du Grand Lac Salé et contribue financièrement à la réalisation de l’œuvre Star Axis commencée en 1971 par Charles Ross au Nouveau-Mexique. Galeriste devenue mécène, elle ferme d’ailleurs son espace new-yorkais en 1971 (celui de Los Angeles est clos depuis 1967) pour produire des films sur et avec les artistes dont elle apprécie le travail à l’image de Carl Andre, John Cage, Michael Heizer ou encore Elaine Sturtevant.

Par ailleurs, Dwan, qui est aussi une collectionneuse, fait don de nombreuses œuvres d’art à divers musées aux États-Unis. En 2013 notamment, elle offre deux-cent-cinquante œuvres d’art à la National Gallery of Art de Washington. Parmi elles, des pièces d’artistes européens tels Arman, Klein, Raysse, de Saint Phalle et Tinguely, des peintures d’artistes expressionnistes majeurs comme Reinhardt et Martin, des sculptures d’artistes minimalistes aussi connus qu’Andre, Flavin, LeWitt, Morris et Sandback et enfin des pièces de Land Artists à l’exemple de Walter de Maria, Timothy McCormack et Michael Heizer mais aussi nombre d’œuvres de Smithson notamment Non-site # 1 (Pine Barrens, New Jersey) de 1968.

Finalement, Dwan a su comprendre dès sa naissance le développement mondialisé du marché de l’art et la place qu’il saurait réserver à l’art américain. À la suite de Peggy Guggenheim et Betty Parsons qui ont successivement fait connaître et reconnaître l’expressionnisme abstrait et le Pop Art, cette troisième grande galeriste américaine femme a exposé les premières installations minimalistes et a surtout accompagné l’émergence du Land Art.